Platitude, j'écris ton nom
Je viens de voir ce film à la Berlinale. Si je n'avais pas été en plein milieu d'un rang, je me serais barré au bout d'une demi-heure. Mais, on le verra, le film n'avait pas de porte de sortie. 90 minutes de ma vie qu'on ne me rendra jamais.
La Cache enchaîne des clichés sur la vie d'une famille bourgeoise, sorte de "La vie est un long fleuve tranquille" à la petite semaine, sauf qu'on a mis une touche de culture juive. Pourquoi pas, mais cet aspect n'est pas creusé et la touche de culture devient une couche de clichés (la grand-mère juive d'Odessa avec le samovar à côté, franchement). Les blagues tombent systématiquement à plat, le public en était gêné. Ce qui aurait dû faire le sel du scénario (la cache) est évacué en quelques minutes. Cette évacuation du double fond est très symptomatique. Le trou dans l'appartement aurait pu donner une profondeur à la scénographie. On a donc fait le choix esthétique de la platitude. En ce sens, La Cache est la parfaite antithèse de Parasite de Bong Joon-ho. Le film impressionne par son absence d'inventivité formelle, avec pour tout cache-misère quelques fonds couleurs pastels et des split screens ineptes . A ce niveau-là, on peut parler d'un travail de recherche dans la banalité.
Impossible de se laisser prendre par l'intrigue, même sur très grand écran. L'adhésion du public, la suspension volontaire de l'incrédulité que mendie grossièrement le narrateur en ouverture, est exclue par le jeu des acteurs. On aurait de la peine pour eux si on ne souffrait pas autant. Ils ne sont pas mauvais comédiens, ils ne savent juste pas ce qu'ils foutent là. Bras ballants, ils ânonnent des dialogues beaucoup trop longs, beaucoup trop écrits. Du genre Sarah Bernard qui joue une pièce de boulevard écrite par un stagiaire de Télérama. Des répliques tartes qui servent des leçons de vie aussi relevées que de la purée au micro-ondes ("ne laisse jamais les cons te dire qui tu es"). Chose amusante : si la famille d'intellectuels se repaît des phrases du café du commerce, les ouvriers parlent comme des bourgeois parisiens. Les figurants eux-mêmes déambulent dans la rue comme dans une publicité pour CNP Assurances (oui, celle avec Chostakovitch). On dira que le réalisateur ne sait pas diriger ses acteurs. Rendons-lui justice : il ne s'épargne pas non plus. Lionel Baier joue le voisin du dessus, rôle parfaitement inutile sauf à démontrer qu'il pouvait le camper encore plus mal que les autres. Il se charge aussi de la voix off. Et ça donne le ton.
Pour justifier de son film, il pourra toujours se réfugier derrière le livre de Luc Boltanski. Après tout, il l'exhibe à l'écran au début et à la fin. Plus qu'une simple caution intellectuelle, c'est une captation d'héritage symbolique.
Christian Boltanski doit se retourner dans sa tombe. Toutes mes condoléances à Michel Blanc.
Créée
le 25 févr. 2025
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