Verhoeven et son artillerie lourde

La Chair et le Sang est le premier film américain de Verhoeven. Ce n'est pas pour autant que le sulfureux cinéaste va abandonner ses thèmes. Bien au contraire, l'oeuvre s'inscrit parfaitement dans la continuité et dans la lignée des différents thèmes que le cinéaste aura abordé.

Le film porte parfaitement bien son nom puisque les différents thèmes de Verhoeven se retrouvent liés à ces deux mots. En effet, la chair parce que le cinéaste hollandais a toujours aimé parlé du sexe, présent au quotidien dans nos vies, mais aussi des relations de couple. Ici, dans cette période troublée, indéterminée, la relation de couple apparait comme un combat où l'homme ou la femme cherchent à dominer l'autre. Mais la chair est également évocatrice de ce plaisir lubrique autour du sexe. Le viol n'est pas toujours de la personne que l'on croit et là aussi, tout est un combat.

La chair est également celle que l'on envoie au champ de bataille, prête à être laminée par les canons. Cette chair que l'on détruit et qui n'est bonne qu'à servir les desseins d'autrui.

Verhoeven continue aussi avec le sang. La scène d'introduction est celle du sang du Christ que l'on partage à autrui pour gagner sa place au paradis. Verhoeven est un anti-religion convaincu et affirmé. Il rêve d'ailleurs de tourner un film sur Jésus. Ici, la charge contre la religion catholique est lourde, comme de coutume, montrant un prêtre se tournant toujours du côté des vainqueurs et une hypocrisie servant avant tout à contrôler la masse.

Le sang qui coule dans cette guerre, la férocité des meurtres, Verhoeven a toujours exacerbé cette violence à l'écran. La Chair et le Sang ne déroge pas à cette règle. En dépit du fait que ce film soit hollywoodien, on en est très loin dans la forme, la violence est loin d'être édulcorée comme le cinéma américain en est si coutumier.

Le cinéaste évoque de nombreux thèmes, on peut revenir aussi sur le rôle de la peste dans ce film, qui n'est pas si innocente et qui se rattache sans aucun doute aux deux mots servant le titre du film. Verhoeven choisit de manière intelligente de ne pas situer son film de manière précise sur le plan historique. De nombreux anachronismes existent avec des canons datant de l'époque napoléonienne ou la princesse regardant le portrait de son bien-aimé, de manière romantique et qui se situe là aussi plus tard dans le temps. Mais le cinéaste choisit aussi de montrer une société en évolution, la fin finalement d'une époque et l'arrivée d'une autre. On est toujours à la limite entre le Moyen-Âge et la Renaissance.

Les acteurs sont corrects, c'est certainement le moins bon point du film. Verhoeven se montre d'ailleurs très dur vis-à-vis des acteurs dans le bonus du film qu'il considère comme mauvais. L'oeuvre a parfois quelques coups de mou, mais il se dégage en tout cas quelque chose de sale et de pourri de cette oeuvre mais aussi quelque chose d'épique et parfois même une forme de romantisme. La scène du mandragore avec les deux amants parlant de l'amour en-dessous de deux pendus en putréfaction symbolise parfaitement tout cela.