Il s'agit juste de marcher un peu avec moi. Pas longtemps.

"La chute" pour la désacralisation d'un monstre. C'était plus que nécessaire...


Cette désacralisation d'Hitler m'était apparu lors d'un trajet entre la porte de Brandebourg et le mémorial abstrait et monolithique de l'Holocaust, je crois... Et sur la route, qui doit faire 2-300 mètres... Y'a un petit parking avec deux-trois arbres où rien ne pousse tellement. Il y a de petits immeubles de quatre-cinq étages.
Et il y a sur deux présentoirs visibles mais pas forcément pour le touriste un peu trop flâneur : les plans du Bunker.


http://jumelage-audun-le-tiche.e-monsite.com/medias/album/copie-de-2013-04-24-berlin-27.jpg


Quand j'ai regardé, je ne savais pas où je me trouvais... Mais j'ai vite compris.
Et en comprenant, je me disais des trucs sur la mémoire, mais aussi sur la vie d'Hitler dans ce bunker, et quel pouvait être le sens politique d'une telle résignation et d'un tel commandement sinon qu'ils étaient tous profondément inconscients, dégénérés et humains.


Plus tard était sorti "La chute", quatre ans plus tard.


Je suis retourné à Berlin en 2007. L'herbe ne repousse toujours pas.


Concernant le film en lui-même, la démarche humaine et le travail de Ganz dans le rôle d'Hitler est un pas essentiel, un premier pas vers un peu de vérité. Il faut bien se rendre compte que c'est la première fois où Hitler est humanisé, réduit, le tout dans un univers décadent où c'est toute la ruche qui s'affole de perdre sa reine.
Pour moi, avec ce film, on sort complètement des codes manichéens du méchant nazi fêlé et fanatique, c'est ce qui se passe dehors et qu'on ne voit pas - ou peu - qui est important. La Chute est, dans son huis clos, une habile manière de montrer tout en restant dans la bienséance, tout en montrant celui que le cinéma et toute oeuvre a désigné comme étant un monstre, un psychotique ou encore le Mal incarné.


C'est encore Trotski qui en parle le mieux dans
"Qu'est-ce que le national socialisme ?" :


"Au début de sa carrière politique, Hitler ne se distinguait, peut-être, que par un tempérament plus énergique, une voix plus forte, une étroitesse d'esprit plus sûre d'elle-même. Il n'apportait au mouvement aucun programme tout prêt, si ce n'est la soif de vengeance du soldat humilié. Hitler commença par des injures et des récriminations contre les conditions de Versailles, la vie chère, le manque de respect pour le sous-officier méritant, les intrigues des banquiers et des journalistes de la foi de Moïse. On trouvait dans le pays suffisamment de gens qui se ruinaient, qui se noyaient, qui étaient couverts de cicatrices et d'ecchymoses encore toutes fraîches. Chacun d'eux voulait frapper du poing sur la table. Hitler le faisait mieux que les autres. Il est vrai qu'il ne savait pas comment remédier à tous ces malheurs. Mais ses accusations résonnaient tantôt comme un ordre, tantôt comme une prière adressée à un destin inflexible. Les classes condamnées, semblables à des malades incurables, ne se lassent pas de moduler leurs plaintes, ni d'écouter des consolations. Tous les discours d'Hitler étaient accordés sur ce diapason. Une sentimentalité informe, une absence totale de rigueur dans le raisonnement, une ignorance doublée d'une érudition désordonnée : tous ces moins se transformaient en plus. Cela lui donnait la possibilité de rassembler toutes les formes de mécontentement dans la besace de mendiant du national-socialisme, et de mener la masse là où elle le poussait. De ces premières improvisations, l'agitateur ne conservait dans sa mémoire que ce qui rencontrait l'approbation. Ses idées politiques étaient le fruit d'une acoustique oratoire. C'est ainsi qu'il choisissait ses mots d'ordre. C'est ainsi que son programme s'étoffait."


Hitler et le national-socialisme sont des produits d'un système économique qui a toujours détruit quand c'était nécessaire pour assurer son profit. A ce titre, le capitalisme, sans l'intervention de luttes de classes, mettra toujours à sa tête les gouvernants les plus affligeants et les plus protecteurs du capital pour veiller sur les derniers vestiges de la propriété privée.
Hitler était le parfait miroir social de ce qui se faisait de plus schizophrène dans la petite-bourgeoisie allemande à l'époque, tout comme il n'est guère étonnant de voir percer d'autres clowns pour qu'ils deviennent les héros dans des simulacres démocratiques : Coluche, Bepe Grillo, Jon Gnarr. De Drumont à Soral, les leaders populistes ont toujours eu cette part grotesque de se foutre de tout, y compris de détruire tous les raisonnements qui varient de ce cynisme. Hitler était le showman qui jouait sur la corde sensible, il était à la fois l'auguste et le clown blanc.
C'est... Personne. Toute sa méchanceté ne sera jamais assez explicative pour comprendre. Et c'est cela, ce que fait le film, c'est commencer à mettre un fichu pansement sur l'histoire et ses idéalismes grossiers, sur l'idée sotte que ce n'est que la conscience et la raison qui triompheront de l'adversité, en tous temps et en tous lieux. Je tiens à dire que si c'était le cas, cela ferait longtemps que la raison aurait triomphé si la conscience humaine était le moteur invariable du monde, capable de faire front par monts et par vaux aux délires en rut de l'anarchie capitaliste.

C'est pourquoi limiter ce système à un seul homme (comme le fait "La naissance du mal" et bon nombre d'oeuvres)... ou même à un seul peuple est tout bonnement ridicule, surtout quand on sait que les victorieux du Traité de Versailles ont activement amorcé et fabriqué le fascisme en volant les travailleurs allemands dans un contexte de pourrissement de l'économie internationale.


Je ne sais donc pas pour vous, mais moi, je sais reconnaître mon ennemi : si les réactionnaires en font effectivement partis, je ne me garderais pas d'épargner le dernier des capitalistes et de lui faire son procès.

Andy-Capet
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le 22 mars 2014

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le 7 avr. 2014

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Andy Capet

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