Michel Polac.


A la base, je voulais voir ce film parce que le réalisateur est Michel Polac. Alors, évidemment, pour les plus jeunes d'entre nous, Michel Polac ne signifie pas grand chose. Pour moi, il était soit un vieux grincheux à la plume acerbe, soit un critique cinématographique hors pair qui, naufragé et malade, a fini ses vieux jours dans "On n'est pas couché" (il faut déjà avoir un certain âge pour se souvenir qu'il s'agissait du grand rendez-vous culturel de l'ORTF des années 2000-2010). Je sus ultérieurement qu'il était co-fondateur du plus ancien magazine cinématographique puisque, en 1955, est créé "Le Masque et la Plume" sur France Inter.

Bref, je voulais voir le film d'un critique qui critiquait tout le monde et voir s'il faisait mieux que ses critiques.


Force est de constater que vous avez commencé cette critique par ma note. Bonjour le suspense !

Heureusement, il y a le cinéma.


"La chute d'un corps" est d'abord une alliance entre ambiance (j'ai lu ailleurs que le film était cérébral mais ça n'a rien de cérébral, c'est un film avec une ambiance angoissée avec, ponctuellement le son d'un orgue seventies) et une histoire d'emprise. Juxtaposant des fragments de la vie quotidienne, le film ralentit au moment fatidique, autrement dit quand Marthe, voulue comme très belle et désirable, sent au cours d'une sortie solitaire une oppression l'appesantir. Une oppression relevant de la physique et caractérisée par plusieurs et différentes insistances. Une oppression masculine.


C'est la seule fois qu'on verra Marthe à l'extérieur. Ça, et sur son balcon.


Eminemment moderne et progressif, et malgré un budget resserré, je rapproche ce film du plus contemporain Get Out. Sauf qu'ici, on ne parle pas de l'incorporation raciste et racialiste mais de l'incorporation patriarcale. L'emprise de toute une société conduit cette femme à l'isolement et à l'attente est un cadeau pour un patriarcat incarné. En effet, le film nous emmène à lisière de la possession et permet de relire tous les films d'exorcisme comme étant des films d'excrétions patriarcales.

1973 : c'est aussi l'année de 'L'Exorciste". Le Mouvement de Libération des Femmes date de 1970. Ce film d'ambiance - car il ne pouvait que l'ambiance pour symboliser l'oppression - est aussi le marqueur essentiel des luttes féministes post-guerres.


Vous aimez Get Out et je sais qu'il existe beaucoup de personnes qui ont adoré ce film, alors regardez "La Chute d'un Corps".

Comme le chante Einstürzende Neubauten : "Ist Newtons Gravitätlichkeit natürliches Gesetz?

Natürlich nicht, eher ein verbrechen." (La loi de Gravité de Newton est-elle naturelle ? Biensûr que non, c'est un crime.)


Donc Bravo à ce Michel Polac d'avoir su capter la domination masculine - bienveillante, silencieuse ou fanatique - dans cette œuvre quasi-démonstrative. Il fait taire les critriques qui critriquent ! "La chute d'un corps" rappelle l'épitaphe de Michel Polac : "Touche-à-tout, il finit par toucher terre." Bon voyage taphonomique, vieux briscard !

Andy-Capet
8
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le 30 nov. 2024

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Andy Capet

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