Vesoul, le 3 décembre 1993.
Madame, monsieur,
J’ai le regret de porter à votre connaissance des faits d’une grande gravité impliquant votre fils Michel dans notre établissement. En complicité avec son camarade Dominique, il s’est rendu coupable d’un délit d’infraction dans nos archives dans un objectif de sabotage du patrimoine culturel destiné à diffusion. Pillant sans vergogne parmi tous les chefs d’œuvre du septième art, il a cru intelligent de souiller ces références au profit d’une parodie que son âge et son immaturité ne saurait entièrement excuser.
Le conseil de discipline s’est réuni ce jeudi.
Monsieur Daneytte, professeur d’arts plastiques, a plaidé en leur faveur, arguant d’une maîtrise assez saisissante du montage et d’un travail à saisir avant tout comme un hommage, d’un ouvrage saturé d’intertextes visant à glorifier tout ce qu’Hollywood a su générer comme icônes du XXème siècle.
Madame Cyntre, professeur de français, a rappelé qu’elle attendait toujours l’exposé sur Montesquieu, et que les élèves révélaient, outre leur absence de culture classique et littéraire, une inquiétante propension à la dyslexie, en atteste leur incapacité à prononcer les substantifs « film », « cyclisme » ou encore « quiche » et « Texas ».
Monsieur Rectoum, professeur d’histoire géographie et d’éducation à la citoyenneté a tenu à faire part de sa consternation quant à la vulgarité des propos, se limitant, je cite « à la pédérastie, la diarrhée ou la fornication » et révélant par-là les préoccupations instinctives et animales des deux malfaiteurs.
Plusieurs messages politiques contestataires à l’égard de la droite républicaine ayant en outre été relevés, nous n’excluons pas de porter l’affaire devant un tribunal pour outrage.
En conséquence, le conseil a pris les mesures suivantes : votre fils Michel devra s’amender par des travaux d’intérêt généraux, en faisant rayonner l’esprit français à travers le monde, par des productions honorables :
- mettant en valeur le patrimoine local et l’esprit gaulois,
- honorant les origines du 7ème art auquel il a porté atteinte,
- et enfin élevant le débat par des films matures qui, par exemples, fustigent la guerre et nous remplissent de sympathie à l’égard des enfants.
Cette sanction est valable pour les 20 prochaines années de sa carrière.
Veuillez recevoir, madame, monsieur, l’expression de nos salutations respectueuses.