La promotion d’une certaine idée de l’école républicaine dans le cadre d’une classe d’accueil dans un établissement du dixième arrondissement parisien devrait largement concourir au consensus autour de ce documentaire politiquement correct. Comment, en effet, ne pas souscrire à ce projet humaniste d’éducation qui vise à réunir des collégiens venus d’horizons différents des quatre coins de la planète, chargés d’une histoire compliquée et souvent traumatique, dans le souci du partage et de l’échange, mais aussi de l’apprentissage en vue de les faire intégrer plus ou moins rapidement une scolarité ordinaire. L’implication personnelle de Brigitte Cervoni, professeur de français en charge d’organiser cette classe particulière accueillant des élèves nouvellement arrivés en France dont on constate presque avec étonnement qu’ils possèdent de solides rudiments de la langue, rehausse incontestablement l’estime d’une profession largement décriée qui confine ici au sacerdoce. À peu près bilingues (leur langue originelle et le français), relais entre leurs parents et la société, ces élèves attachants et curieux sont déjà des êtres hors du commun, extrêmement matures et réfléchis, globalement conscients de la chance qu’ils ont à être en France et pouvoir aller à l’école ; sentiment encore plus exacerbé chez les jeunes filles venues d’Afrique.
L’existence d’un tel dispositif rassure sur la capacité du système éducatif à intégrer l’autre et à demeurer un lieu d’ouverture et d’émancipation, tranchant donc avec les discours ambiants. L’esprit profondément éclairé qui préside à l’expérience qui s’ancre sur plusieurs saisons dont le passage est souligné par les plans successifs de la cour du collège se rapproche logiquement de celui qui entourait le documentaire de Nicolas Philibert : Être et avoir. Le film de Julie Bertuccelli (qui avait signé en 2003 le très beau Depuis qu’Otar est parti) semble cependant avoir moins d’ambitions formalistes, se bornant ainsi à enchainer les séquences d’échanges d’expériences entre les élèves – sans jamais s’intéresser aux ‘vrais’ cours – et d’entretiens sous forme d’état des lieux entre ceux-ci et leurs parents (ou leurs tuteurs) au sujet du passage en classe supérieure ou d’orientations à envisager. De même, on s’étonne de l’hermétisme de la classe, son relatif isolement et l’absence – du moins à l’écran – du contact avec les autres élèves du collège.
Enfin, la véritable question est peut-être le lieu de diffusion de La Cour de Babel. Les salles de cinéma n’apparaissent sans doute pas comme l’endroit idéal, principalement fréquenté par un public convaincu d’avance. Le service public télévisuel pourrait légitimement s’enorgueillir de diffuser le documentaire pédagogique et positif de Julie Bertuccelli, enrichi d’un débat par exemple car, au final, on peut craindre que le film ne soit vu que par une petite partie du public.