Peu à peu, alors que les minutes et puis les heures s'écoulent, une réflexion s'impose au spectateur et ne le quitte plus : "La Danza de la Realidad" est un film insupportable.

Trop bavard, trop coloré, trop m'as tu vu, trop chanté, trop personnel, trop mystique et fourre tout, trop volontairement étrange, trop... On pourrait continuer longtemps.

Jodorovsky explique absolument tout avec une rigueur de métronome là ou il ne faisait que suggérer auparavant; il semble vouloir faire une conférence de chaque plan et simplifie tellement sa symbolique habituelle qu'on pourrait en faire un ouvrage "pour les nuls".
Chaque symbole, ici, est ouvertement affiché et choisi pour être le plus compréhensible possible. On indique non seulement le premier niveau de compréhension, mais aussi tout les autres, de manière à ce que le spectateur n'aie pas à chercher, pas à interpréter, pas à penser : "La Danza de la Realidad" est calibré pour que vous ne fassiez pas usage de votre intelligence pendant deux heures.

Ici, il n'est affaire que d'yeux, d'oreilles, et de coeur. Et ça, ça marche. Une chose est certaine : que l'on rie, souffle, peste, s'indigne, s'émeuve ou tombe en admiration : on réagit. On réagit fort, même, et à tout. Le réalisateur le sait, il va toujours plus loin, et applique sa méthode habituelle : garder le spectateur dans un état de sidération permanente, une sorte de transe interrogative ou subitement le cerveau s'abandonne au chaos et s'ouvre à toute proposition, toute possibilité, tout monde parallèle. Là est le piège. Désormais, l'homme parle de son enfance, de lui, des autres hommes, et les mondes qu'il rends possible ne sont que des images de l'homme, de ce que veulent les hommes et de ce qu'ils font. Pour la première fois chez Jodorovsky, on s'éloigne de la métaphore pure pour prendre le cheval par la crinière; et si métaphore il y a toujours, elle n'apparaît que dans l'accomplissement d'un fantasme bien concret, toujours un fantasme simple, un fantasme d'humanité. Tuer le président. Abandonner le pouvoir. Se refléter en tyran. Tuer le tyran. S'exprimer en chantant. Scalper l'illusion.

Pour la première fois, et peut être est-ce un des signes de la vieillesse, Jodorovsky s'humanise et trouve de l'intérêt à l'humain là ou il n'avait auparavant de considération que pour l'humain à travers Dieu.
On chantera encore longtemps la fierté des éclopés en sortant de la salle, et en s'endormant le soir, on se prendra à rêver de l'amour d'une bossue hideuse et magnifique, d'un cheval puissant et sacrifié, on posera sur l'étrangeté de notre enfance et de celles des autres un regard édenté; un sourire larmoyant, dans le bruit trop réel des trompettes du cirque.
-Absalon
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le 15 sept. 2013

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-Absalon

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