S’il faut aujourd’hui voir ou revoir The Uninvited, l’une des principales sources d’inspiration de Dark Shadows, série et film (pour n’en citer qu’un seul exemple), c’est, au-delà du tournant qu’il marque dans l’histoire du cinéma fantastique, en raison de sa propension à faire de la maison hantée non un simple décorum mais un moyeu autour duquel gravitent protagonistes et intrigue, les actions individuelles et collectives n’ayant de cesse de s’organiser en fonction de cette grande bâtisse construite face à la mer depuis plusieurs générations. L’atout majeur du long métrage est à n’en pas douter sa photographie splendide qui travaille la lumière et l’obscurité de façon intelligente, isolant un ou plusieurs personnages visibles seulement par la flamme d’une bougie, qui se saisit de l’architecture intérieure de la maison comme d’un foyer optique dont les fenêtres apparaissent comme autant de projections vers un ailleurs synonyme d’incertitude et de mystère – en témoigne la falaise vers laquelle est irrépressiblement attirée la jeune femme de vingt ans. Notons également le ton, oscillant entre fantastique et comique sans qu’un tel alliage ne provoque de fausse note ; les personnages bénéficient d’une profondeur véritable que le film prend la peine de creuser lors de sa première demi-heure. En résulte une légère impression de piétinement qui se résout aussitôt survenus les signes de présence surnaturelle, que nous tentons de décrypter en compagnie des protagonistes.
The Uninvited réussit à mettre en scène sa menace sans recourir à des artifices exagérés ou balourds, et c’est ce que l’on retiendra d’une œuvre attachante, pierre angulaire du cinéma fantastique.