La Famille Fenouillard de 1961 est l'un des premiers films de Yves Robert en tant que réalisateur et c'est également l'adaptation du livre éponyme de Christophe considéré comme l'une des premières bande dessiné française au début des années 1890. Autant dire que ce récit d'un improbable voyage va nous emmener autant autour du monde que dans le passé pour un film au charme délicieusement kitsch et rétro.
La Famille Fenouillard c'est l'histoire folle d'une famille de la petite bourgeoisie de province dont le père honnête commerçant décide de se présenter aux élections municipales de son village. Afin de prouver son modernisme et son ouverture d'esprit le patriarche décide de conduire toute sa petite famille vers Paris pour admirer cette récente construction que l'on appelle la tour Eiffel. De quiproquos en quiproquos les Fenouillard vont se retrouver embarqués pour un tour du monde bien loin de leur petit village de Saint-Remy-sur-Deule.
Pour comprendre à quel point le film d'Yves Robert nous plonge dans un passé doucement suranné qui sent un peu la naphtaline et la poussière, il suffit de regarder les prénoms des Fenouillard avec le père Agénor, la mère Léocadie et leurs deux filles un peu nunuches Artémise et Cunégonde. La Famille Fenouillard est un film d'un autre temps et c'est bien ce qui fait tout le charme de cette comédie qui emprunte une grande partie de sa fantaisie au cinéma muet burlesque tout en nous plongeant dans un délicieux tour du monde de décors en carton-pâte. La vision pas très fine et assez caricaturale d'une tribu africaine cannibale et de japonais parlant avec des voix de dessins animés pourra peut être en agacer certains mais le film doit être remis dans le contexte de son époque et surtout dans celui de son matériau d'origine qui date de 1890. L'humour reste toujours bon enfant et au fil des séquences allant d'une bataille de fromages blancs à une séquence de rodéo sur une bielle d'un moteur de bateau en passant par une pantomime en ombres chinoises, Yves Robert invite les esprits de Chaplin , Keaton ou Laurel et Hardy. La Famille Fenouillard tient tout autant du théâtre populaire que du cinéma avec des comédiens qui en font des tonnes, des décors qui demandent un peu d'imagination pour se sentir au bout du monde et des chorégraphies autour de portes de placards qui claquent et de couvercles de malles de voyage. Ce singulier tour du monde nous offre son lot d'effets spéciaux très approximatifs (même complétement ringards) et de stock shots animaliers renforçant l'aspect gentiment désuet de l'ensemble tout en célébrant joyeusement un cinéma de l'imaginaire. Techniquement le film est tout à la fois factice et séduisant , Yves Robert nous proposant un film riche en décors , en costumes et surtout en fantaisie le tout dans un très beau noir et blanc .
Du côté du casting c'est Jean Richard qui interprète avec beaucoup de fantaisie Agénor le père de famille souvent dépassé par les événements, quant à sa femme Léocadie elle est interprétée par la délicieuse Sophie Desmaret. Les deux filles aux prénoms improbables, naïves et bécasses qui passent leur temps à se disputer sont interprétées par deux jeunes actrices Marie José Ruiz et Annie Sinigalia qui seront loin de faire carrière par la suite . Au cours de leur périple notre brave famille Fenouillard croisera Bernard Blier , Yves Robert lui même, Hubert Deschamps Gerard Darrieu ou Henri Virlogeux. Le film permet aussi de retrouver la bonne bouille Martin Lartigue pour sa toute première apparition au cinéma, le jeune comédien tournera par la suite deux autres films avec Yves Robert pour devenir les personnages cultes du petit Gibus dans La Guerre des Boutons et Bébet dans Bébert et l'Omnibus.
La Famille Fenouillard c'est un cinéma d'un autre temps , un peu désuet et ringard mais ce n'est pas un cinéma désagréable pour autant. Rempli de fantaisie, invitant sans cesse à un imaginaire proche de celui de l'enfance le film d'Yves Robert est une comédie tellement légère que certains la trouveront bien lourde et un film qui nous fait voyager sans quitter notre fauteuil ni les décors d'un studio de cinéma.