La Fleur de mon secret délaisse, du moins au premier plan, le burlesque tragi-comique cher à son cinéaste pour se centrer sur la lente et périlleuse reconstruction d’une femme dont le cœur – comme la vie tout entière – s’est brisé à attendre l’homme aimé, s’est perdu dans l’espoir d’un retour, en vain. Cette femme est auteure : deux pseudonymes, deux couleurs, le rose de l’amour triomphant et le noir de la violence éprouvée au quotidien. Deux identités complémentaires que Leo dissocie jusqu’à une rencontre capitale qui la poussera à chasser ses fantômes et à se raccorder à ses racines (cf. retour au village natal). Pour filmer cette convalescence, Pedro Almodóvar place son œuvre sous le signe du flamenco, dans une relecture espagnole du Lac des Cygnes d’ailleurs explicitement convoqué par la prestation de l’amie de Leo. « Les choses peuvent être à la fois difficiles mais justes en un sens. Cela fait partie du cycle de la vie », et la danse permet cette cohabitation d’antagonismes néanmoins réunis dans une chorégraphie. Film sur la douleur sentimentale, La Fleur de mon secret brosse de beaux portraits de femmes tantôt blessées tantôt survoltées – pensons ici à la relation entre Rosa et sa mère –, toujours sensibles. Néanmoins, si l’univers baroque du cinéaste est quelque peu mis de côté au profit d’une immersion à fleur de peau dans les cassures d’une existence, l’ironie demeure, qu’il s’agisse d’un plat de paella refroidi ou d’une mère sénile. Nous regretterons simplement le refus d’ouvrir le récit sur un ailleurs, son souci de coller au plus près des personnages sans faire ressentir, par la mise en scène, le vertige dont est prise l’héroïne. Reste une œuvre intelligente et joliment réalisée qui porte en elle les germes d’une future création d’Almodóvar (par le biais du livre écrit par Leo), réalisée onze ans plus tard, Volver.