Elle a beau avoir été mondiale, la 1ère guerre n’est pas traitée de la même manière par les différents pays qui l’ont subie. Alors que Français et Allemand en font généralement un sujet légitimement gravissime, le cinéma italien et particulièrement le tandem Monicelli / Gassman à qui on doit l’inégalable Pigeon a de quoi lui insuffler une dose salvatrice de comédie.
On retrouve ainsi dans l’atmosphère pesante des tranchées tout ce qui fait la saveur habituelle du roublard transalpin : malhonnête, veule et fort en gueule, le soldat allie à la logique de survie un sens de la magouille qui va faire des étincelles. Bien entendu, la majeure partie de ses supposés bons plans n’aboutiront pas, et sa médiocrité ne le rendra que plus attachant.
Mais Monicelli ne se limite pas à une simple farce. Le titre est en cela respecté : La Grande Guerre est un film ample, long (2h15) et ambitieux dans sa reconstitution, qui prend au sérieux son sujet et semble vouloir établir sur lui un discours souvent profond : l’absurdité de la guerre et les terribles conditions de vie imposées aux soldats sont abordées de front, permettant une alternance particulièrement bien équilibrée entre le pathos et la comédie satirique. Ainsi d’une dispute pour une poule sur la ligne de front, avant qu’un messager ne perde la vie pour une simple lettre souhaitant un joyeux Noël aux soldats, ou d’une arnaque pour la quête au profit de soldat se soldant par un don généreux à une veuve qui ignore encore l’être. Pour rendre une dénonciation efficace, il faut pouvoir toucher, et pour se faire, il faut créer de véritables personnages. C’est là une qualité indéniablement maîtrisée par Monicelli, qui ponctue ces aventures sans gloire de séquences réalistes, à l’image de ce défilé d’hommes exsangue parmi une foule dont la liesse va être mise à rude épreuve.
Alors que le début du récit s’attache à un groupe dans lequel la camaraderie est propice au registre comique, la progression va resserrer l’écriture et l’épure se concentrer surtout sur un duo de personnages. Dans ce périple, les circonstances vont s’aggraver et faire surgir des possibilités d’héroïsme lors d’un final qui, par sa noirceur et son ampleur, vont donner une nouvelle fonction à ce qui nous avait fait rire jusqu’alors. Ils étaient attachants, les voilà grands. Et la tristesse de se colorer d’une ampleur qui dépasse largement les hauts faits habituels des héros de guerre. Parce que chez Monicelli, on est un homme avant d’être un soldat.