Adapté du roman de Max Catto, Murphy’s War présente les égarements d’un homme hanté par la vengeance au point de consacrer le reste de son existence à l’exécuter. Peter Yates définit, une fois encore, son personnage – son caractère, ses névroses – par le biais de la machine : non plus la Ford Mustang de Bullit (1968) mais l’hydravion, avec lequel il sillonne la jungle dans la perspective de retrouver le sous-marin allemand, puis le bateau réhaussé d’une grue flottante. La folie de Murphy transparaît à l’image aussi bien par l’interprétation de Peter O’Toole, à l’instabilité fort bien jouée, que par le gigantisme de ses actions au regard de sa petitesse dans l’espace : le baptême de l’air, durant lequel notre antihéros s’épuise à faire décoller son avion, assomme le spectateur par sa longueur et par son bruit, matérialisations d’un acharnement tour à tour fascinant et terrifiant. De même, le transport de la torpille à la force des bras donne lieu à une séquence hallucinée. Les très beaux plans sur les plages du Venezuela dessinent un paysage quasi abstrait où se rejoue, à plus grande échelle, une guerre intérieure en réponse à l’affirmation selon laquelle la Seconde Guerre mondiale aurait pris fin. Murphy refuse d’y croire, ou plutôt lui oppose sa guerre métaphysique. Une telle trajectoire n’est pas sans évoquer le cinéma de Werner Herzog, qui commence à peine à naître au moment de la sortie du film de Peter Yates : il y a chez Murphy une démesure en réponse à la détresse humaine que nous retrouverons, quelques années plus tard, dans un Aguirre ou un Fitzcarraldo. Une œuvre à découvrir, réhaussée par la présence au casting de Philippe Noiret.