Un classique du cinéma français et un film coup de poing. Je ne sais pas ce qui est le plus dramatique avec ce film : son histoire ou le fait qu’il soit toujours d’actualité ? Au-delà des débats et des controverses propres au film lui-même et au sujet qu’il traite, il s’avère au final un témoignage frappant d’une situation qui n’a pas évolué et c’est ce qui le rend aussi incontournable. Sans être une œuvre d’anticipation, il dépeint une société où certains sont livrés à eux-mêmes et seront toujours la cible de racisme ou de toute autre forme de xénophobie. C’est un film bourré de torts, un film bourré de « et si ? » qui pourraient le rendre plus optimiste, mais non, c’est un portrait de la réalité telle que certains la vivent au quotidien.
La errance des personnages dans le Paris nocturne crée une assez belle métaphore sur tous ces individus perdus, esseulés, abandonnés, au sein même d’une société qui les marginalisent. Le film ne reproche pas de solution, mais on comprend très vite que ce n’est pas son rôle : son rôle est de faire comprendre à la société qu’elle a sauté du 50ème étage, de lui faire ouvrir les yeux sur la situation et que c’est à elle d’agir pour ne pas foirer son atterrissage. Le choix d’avoir un trio permet aussi un certain équilibre entre les personnages, une dynamique efficace entre les personnalités de chacun, même si Vinz prend un peu le pas.
Le casting est dans l’ensemble plutôt bon, mais c’est bien sûr le trio Vincent Cassel, Hubert Koundé et Saïd Taghmaoui qui portent le film vers ses sommets. L’alchimie entre eux fonctionne à merveille, et chacun apporte son propre jeu pour rendre son personnage plus vivant que jamais. J’ai peut-être une petite préférence pour Koundé, surtout pour la conclusion où son regard et son langage corporel valent plus que n’importe quel dialogue. Techniquement, pas grand-chose à reprocher au film, où tout fonctionne à merveille malgré le peu de moyens. La mise en scène insuffle une âme au film avec des plans très simples mais très efficaces (avec de temps en temps un plan-séquence ici, un traveling aérien là), avec une caméra toujours placée au bon endroit, mais pas que : elle participe à créer cette ambiance et l’atmosphère qui évolue au fur et à mesure du film. Le tout renforcé bien sûr par le choix du noir et blanc, qui renforce cet aspect authentique. Le montage aussi, avec des plans qui parfois persistent après la fin de la scène en question, créant ainsi une impression de temps suspendu.
Bref, un film majeur du cinéma français, une œuvre malheureusement toujours d’actualité et qui en dit long sur l’évolution de notre société.