Lorsqu’on parle des films Pixar, on a tendance à tous les ranger sous l’étiquette Pixar. De la même manière que chez Disney ou Dreamworks, on ne dit pas “tiens, j’ai vu le dernier film d’Andrew Stanton ou de Musker et Clements”, on dit “j’ai vu le dernier Pixar ou Disney”. Dans ces studios, le nom du réalisateur est souvent oublié, et je trouve ça bien dommage. Pourtant, lorsqu’il s’agit de Pixar, j’ai toujours une attention particulière pour le nom des réalisateurs. Lorsqu’un inconnu comme Mark Andrews ou Josh Cooley nous pond un Pixar, j’y vais sans trop d’intérêt. Mais dès qu’un Lasseter, Stanton ou Lee Unkrich pointe le bout de son nez à la réalisation, je fonce.
Mais parmi tous ceux qui ont réalisé chez Pixar, il y a un nom que je retiens plus que les autres : Pete Docter. Vice Versa, Soul et bien évidemment, mon préféré de tous Monstres & Cie. De tous les réalisateurs de Pixar, Docter est celui à l’identité narrative la plus forte. On suit toujours des personnages qui portent un deuil plus ou moins important. Riley et son ancienne ville, Sully lorsqu’il doit dire adieu à Boo et encore mieux, Joe Gardner de Soul dont tout l’aventure est un deuil de sa propre vie.
Et même si je continue de penser que Monstres & Cie est sa meilleure création pour tout un tas de raisons, Là-Haut est le film qui représente le mieux son cinéma, ses thématiques (avec le tout récent Soul).
Là-Haut, c’est 1h30 d’un Carl Fredricksen qui tente de vivre à travers les désirs oubliés de sa défunte Ellie. 1h30 d’un Russel qui se cherche une figure paternelle. 1h30 d’un explorateur qui passe sa vie à prouver au monde qu’il n’est pas un charlatan et qui tue tous ceux qui pourraient lui barrer la route. A travers ses personnages, Là-Haut est un film profondément triste et ses thématiques n’en sont pas moins lourde. Et pourtant, c’est là tout le génie d’un dessin animé comme Là-Haut et c’est probablement un des films qui réussit le mieux cet exercice : parler de choses foutrement terribles à des gosses tout en les faisant rêver.
Et si Pete Docter arrive à ce point cet exercice c’est pour une raison toute simple : il part d’un postulat de base totalement surréaliste. Vous me direz, c’est la spécialité chez Pixar, partir d’une histoire tirée par les cheveux pour parler de choses concrètes (une romance entre deux robots pour initier les jeunes à l’écologie, des monstres qui font peur aux enfants pour parler de capitalisme). Je vous répondrai qu’effectivement, ce n’est pas une nouveauté pour le studio, mais ici, la démarche est tellement maîtrisée qu’elle en devient un cas d’école à mes yeux. En perdant sa femme, Carl Fredricksen est devenu un misanthrope qui ne trouve pas d’autre moyen pour se remémorer sa défunte, que de s’envoler dans les airs avec sa maison. Non seulement, l’idée d’une maison volant avec des ballons d’hélium, c’est absolument génial, mais ça impose également une règle physique qui régira le reste du film et qui lui permettra tout un tas d’extravagance. On peut voler avec quelques ballons d’hélium. Ainsi, au bout d’une heure de film, voir Russel s’envoler en piquant quelques ballons n’a rien d’incohérent, se faire pourchasser par des chiens en traînant sa maison non plus.
Le scénario maîtrise tellement bien la suspension consentie d’incrédulité du spectateur, qu’il se permet alors des scènes d’une poésie folle. Le départ de Carl avec sa maison n’a rien de logique, c’est un miracle qu’il ne cogne aucun immeuble, mais c’est tellement beau qu’on y croit. Et il n’y a pas que la maison volante qui fonctionne ainsi, si Carl est au début un vieil homme incapable de se déplacer sans sa canne, personne ne sera surpris à la fin de le voir courir dans tous les sens et de tirer sa maison au bord du vide avec une corde. C’est cette capacité à nous faire gober n’importe quoi qui me fascine autant et qui permet à Docter d'offrir scènes absolument incroyables (la bataille sur le zeppelin qui n’a pourtant aucun sens).
Là-Haut est un film que seuls les blasés ne peuvent pas apprécier. Le scénario est tellement bien ficelé qu’on est à chaque fois pris dedans. Alors quand en plus, c’est pour tisser un portrait mélancolique sur la vieillesse et le deuil, moi, je dis chapeau bas. Assurément un des Pixar les plus réussis.