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A la grande époque, Pixar n’avait pas peur de se poser des défis, et les relevait généralement haut la main. Up est parti d’un dessin de Pete Docter (Monster, Inc., Inside Out, Soul) d’un vieil homme tenant une flopée de ballons de baudruche. A partir de cet embryon est né le film que nous connaissons, avec la difficulté d’intéresser le public à un héros du troisième âge, parti pris casse-gueule tant il est à contre-courant de ce qui plaît habituellement. Mais le studio à la lampe a retroussé ses manches pour nous servir une œuvre qui, si elle n’est pas égale sur toute sa durée, commence avec un morceau d’émotion aujourd’hui encore placé dans le panthéon du cinéma.
Si vous avez vu le film, vous savez forcément de quoi je parle : le montage Married Life qui retrace la vie de Carl Fredricksen et sa femme Ellie. Une séquence magistrale de simplicité, où la musique de Michael Giacchino (la relève de John Williams) vient rythmer le quotidien tantôt heureux, tantôt tragique, de ce couple que l’on découvre dans son parcours. Les larmes coulent alors que les dernières notes, mélancoliques, résonnent et que l’on retrouve Carl, 78 ans, seul dans sa demeure, prisonnier de l’amour pour sa femme partie trop tôt. Le plus gros du pari initial est relevé, en à peine vingt minutes le spectateur découvre ces personnages, rit avec eux, pleure avec eux, et est paré à démarrer le film. Un travail d’identification parfait, qui reste gravé dans la mémoire à jamais.
Malheureusement, la maestria de cette ouverture est également le plus gros défaut de Up, puisque tout ce qui suivra paraîtra bien fade en comparaison. Non pas que le reste du film soit mauvais, il est même plutôt bon. Le travail des équipes Pixar fait preuve de la minutie habituelle, le visage carré de Carl reflétant son enfermement dans les quatre murs de sa demeure, la maison elle-même étant Ellie, toujours présente, et les décors du tepui de Paradise Falls, calqué sur le Salto Angel vénézuélien, respirant l’exotisme. Le personnage de Russell, volontairement exaspérant (et calqué sur une version enfantine du storyboarder Peter Sohn, futur réalisateur de The Good Dinosaur et Elemental) vient sortir Carl de son marasme tout en portant son propre bagage émotionnel, tandis que les comic reliefs de Dug et Kevin viennent égayer le tout.
Quant à l’antagoniste, Charles Muntz, il représente tout ce qui bloque notre héros dans le passé. Et avec sa mort s’envole le lourd poids du passé qui hante Carl, lui permettant de remettre au premier plan ce qui compte dans une vie : les relations humaines que l’on entretient. Fini le vieux bougon acariâtre, voici l'aïeul disposé à transmettre ses connaissances aux générations futures tout en continuant de vivre sa vie, comme l’aurait voulu Ellie, enfin apaisée, posée dans son décor paradisiaque.
Si tout le film avait eu la force de son introduction, nous aurions eu le droit à un chef d'œuvre atemporel (et à une grave déshydratation). Mais à la place, nous avons tout simplement un bon cru entamé par une séquence géniale… et atemporelle.