Damien Chazelle, ce nom n'aurait sûrement rien dit à beaucoup d'entre nous avant que débarque, en 2014, le phénomène (et excellent film) Whiplash qui a soufflé beaucoup de monde sur son passage. Et voilà que le réalisateur revient à la charge avec un film qui s’annonçait déjà comme un phénomène avant même qu'il sorte, un film qui s'annonçait comme le salut de la comédie musicale, j'ai nommé La La Land. Faire mieux que Whiplash semblait impossible pour Damien Chazelle, ou au mieux très difficile. Et pourtant.


Ce projet, Damien Chazelle y tenait à cœur. Il y songeait depuis 2010, alors qu'il avait déjà écrit le scénario, mais il ne trouva pas de studio susceptible de le financer. Il s'est alors rabattu sur Whiplash, et c'est grâce au succès de celui-ci qu'il a pu trouver le soutien pour mettre La La Land en route, projet nettement plus ambitieux que Whiplash. Et qui donc promettait beaucoup, quelques temps avant sa sortie, en témoigne la grande promo tout autour du film.


Et dès la sublime introduction en plan séquence, on se rend compte qu'il n'y a pas erreur sur la marchandise. Inévitablement, en voyant tous ces conducteurs sortir de leurs voitures pour pousser la chansonnette et danser tous ensemble, on sent qu'on a envie de faire de même. On tape du pied en rythme, et on a envie de se lever à son tour tant l'énergie est communicative. Et de crier un bon coup : "This is another day of sun !". Le premier moment musical du film, et, avouons-le, très certainement le meilleur.


Mais la suite n'est pas en reste et confirme le talent du réalisateur. Il met en scène une histoire à priori simple, mais jamais simpliste. Il navigue intelligemment entre un ton résolument moderne et pourtant bien ancré dans l'âge d'or du cinéma hollywoodien. Ce choc des générations entraîne un bon nombre de trouvailles visuelles d'une beauté sidérante (le ballet cosmique, à couper le souffle), des idées à la fois simples et efficaces (la sonnerie de l'iPhone qui interrompt une séquence musicale digne d'un Chantons sous la pluie) et un vibrant hommage au cinéma des années 40, en juge l'utilisation de certains effets comme le globe, le "Presented in Cinemascope" au début, ou la présence des "iris out" pour clôturer ou pour ouvrir une séquence.


Il en va de même pour la trame, à priori très classique, mais pas simpliste pour autant. La romance qui naît entre Sébastien (Ryan Gosling) et Mia (Emma Stone) est très bien traitée, de même que leurs situations respectives. Le réalisateur joue avec certains clichés, qu'il n'hésite pas à reprendre de temps en temps (la pellicule du film qui déraille au moment où Mia et Sébastien allaient s'embrasser), mais il sait aussi parfois détourner nos attentes.


Par ailleurs, le choc des générations est aussi d'une certaine façon l'un des thèmes principaux du film, avec par exemple la discussion autour de l'évolution de la musique. Le thème est exploité de manière intelligente. Sébastien pense que le jazz se meurt. Son ami Keith (John Legend) pense au contraire qu'il suit un renouveau. Mine de rien, le film soulève des questions intéressantes quant à cette évolution. Peut-on en déduire que le jazz se meurt ou, au contraire, qu'il est à l'aube d'un renouveau ? Faut-il accepter de laisser le jazz vivre avec son temps et changer, afin d'être "un révolutionnaire", ou au contraire le conserver telle qu'il est, quitte à passer pour "un traditionaliste" ?


Pour en revenir au côté musical du film, outre l'inoubliable introduction, la suite du film n'est pas en reste. Si les numéros musicaux se raréfient malheureusement au fil du film, ils n'en restent pas moins entêtants et font passer par toutes les émotions. On rit sur la séquence musicale entre Mia et ses amies qui veulent la faire venir à une fête, on pleure sur la magnifique chanson City of Stars avec son ton mélancolique et pourtant plein d'espoir. Le réalisateur emballe ses numéros musicaux avec un talent certain, il multiplie les trouvailles et les idées (les joueurs d'instruments dans le camion au début du film) ainsi que les hommages (le numéro de claquettes de Mia et Sébastien, difficile de ne pas penser à Chantons sous la pluie) et il manipule la caméra avec brio.


On notera d'ailleurs le beau message du film sur la poursuite de ses rêves. Et là encore, la façon dont le film l'aborde est intéressante. Car si Sébastien finit par rencontrer le succès avec son groupe de musique pop, est-ce que c'est vraiment ce qu'il voulait ? Il a accomplit un rêve, mais a-t-il accomplit son propre rêve ? Et en cela, je trouve la fin parfaite et intelligente. On voit que Mia et Sébastien ne sont plus ensemble, mais chacun a finit par atteindre ce qu'il souhaitait. Et c'est alors que Mia recroise Sébastien dans le club de jazz qu'il a fondé. En suit une séquence à la fois enthousiasmante et touchante où Mia pense, inévitablement, à ce qu'aurait été sa vie avec lui si les choses s'étaient passées différemment. Mia adressera un dernier sourire réciproque à Sébastien avant que le film se clôture. Difficile de savoir si on a assisté à un happy end ou non. On est à la fois content pour les deux comme on est triste. Et on se demande comment le réalisateur a réussit à nous faire passer par tous les états d'âme et à mettre autant de choses en seulement 5 minutes.


Si La La Land est bien le phénomène du début d'année 2017, ce n'est pas pour rien. Pour tout vous dire, c'est amplement mérité. A priori simple, et pourtant fourmillant d'intelligence dans son scénario, le film de Damien Chazelle est bien plus qu'une simple comédie musicale. C'est un film très pertinent quant à ses thèmes abordés, mais aussi terriblement entêtant et magique. Une fois que les lumières se rallument, et que les larmes dans les yeux ont finit de sécher, on se rend compte à quel point le film nous a marqué et qu'on n'a qu'une seule envie : le revoir incessamment pour pleinement profiter de tout ce qu'il a à dire et à faire ressentir.

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le 29 janv. 2017

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Nick_Cortex

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