Le film qui rend fada toutes les critiques (presse et spectateur) est-il vraiment le chef d’œuvre absolu qu’on nous présente ? La réponse est oui et non. Oui, La La Land est un très bon film, excellent même la plupart du temps et visant effectivement le chef d’œuvre dans quelques scènes. Mais non, je ne l’ai pas trouvé si extraordinaire que ça et je pense qu’il a pour lui une très bonne programmation : non seulement il est sorti au cours d’une année assez morose (pas de grand favori qui se démarquait jusqu’à présent), mais il fait partie de ces films sortis pile au bon moment, donnant ainsi un incroyable bol d’oxygène qui rend le spectateur heureux. Voilà ce qu’est La La Land.
L’histoire entre dans les très grand classique de la comédie musicale, avec évidemment des références et clin d’œil à tout ce qui a été fait avant. C’est une romance comme Hollywood les adore qui se déroule dans le Los Angeles fantasmé (et qu’on adore fantasmer) de l’Occident (et je ne parle même pas de Paris). Donc oui, le film fonctionne à merveille. On a également cette petite intrigue de fond qui voit les personnages confrontés à une impasse au niveau de leur art et devant évoluer pour s’adapter au monde actuel, tout en devant faire des concessions pour survivre. On a également cet aspect d’Hollywood via le personnage de Mia qui enchaîne à blanc les castings dans des situations complètement révoltantes.
On a bien sûr la romance entre les deux personnages principaux, une romance qui démarre de façon plutôt classique, qui suit le cahier des charges habituels, entre la découverte puis la passion aveugle qui nous emmène peu à peu vers cette situation où tout semble beau et magnifique, dégoulinant de bonheur pour ensuite se prendre le mur de la réalité en pleine poire et les difficulté qui vont avec, pour se terminer enfin sur la conclusion. Une romance à l’eau de rose des plus classiques pour une comédie musicale. La conclusion sera intéressante dans le sens où elle cristallise parfaitement le thème du film, à savoir que l’Amour et les rêves doivent cohabiter et que parfois, ça ne marche pas, aussi forts qu’ils soient.
Oui c’est cliché, oui c’est parfois mièvre et emplie de guimauve, mais c’est ce qui nous fait rêver. Et le cinéma, avant toute chose, c’est ça : faire rêver le spectateur. C’est l’essence même du septième art : un film ne sera mauvais que s’il ne nous fait pas rêver. C’est pour ça qu’il y a ces nanars, séries B ou Z, ces plaisirs coupables… tous ces films qui sont en soit pas forcément bon, voire même mauvais, mais qui nous font rêver et que, par conséquent, on adore. Et c’est pour ça que La La Land fonctionne si bien : parce que le film nous parle de nos rêves tout en nous faisant rêver.
Néanmoins, le film a quand même ses quelques faiblesses. Notamment ses longueurs. Tout au long du film, il y a quelques scènes très intéressantes et importantes mais qui semble s’étirer à n’en plus finir, d’autant plus l’ensemble est globalement très prévisible. La première partie ne souffre pas trop de ce phénomène, c’est plutôt quand on amorce la pente descendante de la relation. Et surtout la conclusion, qui est très belle symboliquement et cristallise le message du film (comme je disais), mais qui dure, qui dure… Il y a aussi un sentiment de répétitivité qui finit par s’installer, ce qui est dommage.
Sur le casting, ça va aller assez vite au final. On comprend pourquoi le film n’a pas eu de récompense au niveau des rôles secondaires : s’il y a effectivement de nombreux personnages annexes, on pourrait presque les considérer comme personnages tertiaires tellement on les voit peu et que l’ensemble est complètement dominé par le duo Gosling-Stone. On ne va pas se mentir, l’alchimie fonctionne à merveille entre eux, et chacun permet à l’autre de se transcender dans chacune des scènes. Ce n’est pas forcément les prestations du siècle, mais comme le film lui-même, ça joue exactement là où il faut quand il faut pour nous emporter dans ce rêve et nous attacher aux personnages. C’est pour cela qu’ils sont si fantastiques, que l’ensemble fonctionne si bien : parce qu’on y croit et qu’on s’y attache. La base du jeu d’acteur.
Techniquement, c’est une réussite à pratiquement tous les plans. La musique est fantastique, alternant entre chansons originales entraînantes et reprises bien connues, le tout avec une BO fabuleuse. Le seul petit hic, c’est cette répétition du thème principal vers la fin, qui revient presque toutes les 5 minutes. Mais bon, l’ensemble est vraiment un délice pour les oreilles. Les décors sont somptueux, nous emmenant dans divers lieux symboliques de L.A., et réussissant ainsi à faire de la ville un personnage à part entière qui évolue au court du film. L’immense diversité de lieux pourrait laisser penser qu’on s’y perdrait, mais au final non, on se laisse déambuler dans ce rêve éveillé.
À cela s’ajoute une photo exceptionnelle, sans doute une des plus belles que j’ai vu ces derniers temps, avec un jeu sur les couleurs et la lumière en elle-même super. Comme si là aussi, la lumière était un personnage à part entière, ou disons qu’elle est ici utilisée réellement comme un vecteur d’information en jouant sur les codes du cinéma, du théâtre et de la comédie musicale elle-même.
Quant à la mise en scène… Ceux qui me connaissent et qui ont vu le film sauront que j’ai vendu mon âme à la première scène.
Non franchement, un plan-séquence sur une autoroute embouteillée de L.A. pour une première chanson avec danse et chorégraphie…
Juste-là, sur ces premières minutes, avant même l’apparition du titre, la mise en scène réussi un exploit technique qui régale et marque les mirettes. C’est l’une des très rares fois où j’ai eu envie d’applaudir à la fin d’une scène d’ouverture. Le film aurait pu se terminer, se contenter juste de ça, il aurait été parfait.
Après, sur le reste du film, la maîtrise est toujours bien présente. J’apprécie notamment l’utilisation régulière du plan-séquence pour justement les parties dansées et retour à une mise en scène et un montage plus classiques sur le reste du film. Dans l’ensemble, de la pure maîtrise, jouant avec les décors, le montage, les acteurs, la lumière, l’intrigue elle-même… Une mise en scène fantastique.
La La Land n’est donc pas le film parfait, mais il en arbore les couleurs. On y retrouve tout ce qu’on souhaite trouver dans un film : du rêve. Ce film est une véritable usine à rêve, et c’est pour cela qu’il fonctionne si bien, parce qu’il est au final très basique et va droit au but. Simple et terriblement efficace. Je n’ai jamais été un grand fan des comédies musicales (je lui préfère Chantons sous la pluie ou, dans un autre genre, The Blue Brothers) ; mais ce film est avant tout un grand film qui réussit à faire ce qu’on veut d’un film : nous faire rêver.