2017 vient à peine de commencer que déjà, cinématographiquement, les évènements et surprises se succèdent. Dernier en date, La la land, comédie musicale signée Damien Chazelle et mettant en vedette Ryan Gosling et Emma Stone. Véritable buzz avant même d’être sorti, ce film marque t-il vraiment le retour en fanfare de la comédie musicale ?
La comédie musicale officiellement de retour
Hairspray (2007) et Rock Forever (sorti en 2012) avaient bien tenté de dépoussiérer le genre mais en vint. Depuis fin 2016, on entendait déjà parlé de La la land, nouveau projet signé Damien Chazelle, réalisateur entre autre de Whiplash, à travers une première bande annonce et quelques photos officielles. Le 8 Janvier, le film fut couronné de succès lors des Golden Globes 2017 : 7 récompenses au total (Meilleur film, Meilleur acteur dans une comédie ou comédie musicale pour Ryan Gosling, Meilleure actrice dans une comédie ou comédie musicale pour Emma Stone, Meilleur réalisateur pour Damien Chazelle, Meilleur scénario et pour finir Meilleure chanson). Et ce n’était pas fini. A une semaine avant sa sortie, l’œuvre obtenait déjà plus de 14 nominations aux futurs oscars. Un record. Du buzz et encore du buzz, carton mérité ou du bruit pour pas grand-chose ?
Peut être est-ce la première fois que vous voulez tenter l’expérience en découvrant pour la première une comédie musicale ? Peut être que vous avez des préjugés, que vous pensez que La la land est à ranger avec toutes les autres œuvres du genre ? Mettez tous vos aprioris de coté, n’ayez crainte, La la land va tenter de vous faire aimer ce genre de films où optimisme et couleurs vives sont là pour éclaircir votre moral. Même s’il faut laisser passer la scène d’ouverture digne d’une adaptation de Broadway pour s’acclimater à ce film, amoureux ou non, vous devrez très vite être absorbés par cette histoire digne d’un conte tendre, naïf, nostalgique, sensible et amusant.
Le film donne immédiatement le ton avec une scène d’ouverture festive se situant… pendant les embouteillages sur une autoroute de Los Angeles. Horreur et damnation pour tout automobiliste confondu, on réussi à faire de cette situation un moment inoubliable et joyeux. En un plan séquence de 6minutes environ, chorégraphie de génie, ambiance folle et joie se rassemblent. La suite sera tout aussi réjouissante et spectaculaire tout en évitant le piège de l’excès. Autant vous dire que si, comme pour les vieux Disney, entendre chanter à tout va vous donne envie de vous tirer une balle dans la tête (ou dans la tête de tous les danseurs et chanteurs), vous allez devoir prendre votre mal en patience pendant au moins trois quart d’heure. Pour tout vous dire, j’ai beau aimé quand ça chante, j’aime bien quand c’est espacé. Heureusement ici, il y aura du temps mort entre chaques séquences chantées. La première partie, c’est celle qu’on retiendra le plus.
N’abandonnez pas vos rêves
Le meilleur, comme pour chaque comédie musicale ou romantique. C’est dans cette partie où l’on fait connaissance avec nos deux protagonistes qui se croisent, se snobent, se rencontrent enfin, se séduisent maladroitement, se confient, parlent de leur rêve, finissent par s’aimer et vivre leur premiers émois amoureux. De ce coté, bien que leur idylle se créée assez rapidement, jamais on ne basculera dans la niaiserie ou le trop plein de guimauve. Et ça, on le doit à un Ryan Gosling qui joue les musiciens charmants, drôles et passionnés et une Emma Stone qui a son petit caractère, doute d’elle mais n’abandonne pas. Nos deux personnages poursuivent un rêve semblant inaccessible, doivent traverser des moments de doutes, d’angoisse. La peur de l’échec est leur combat. Mais Mia et Sebastian, ils se soutiennent l’un l’autre. Quand un commence à baisser les bras, se perd, l’autre le ramène sur le droit chemin. Comme pour tous les couples, il y a des mésententes, des malentendus, des déceptions, des interrogations quand à l’avenir professionnel et personnel. Tous deux devront surmonter de nombreuses épreuves et faire des choix, pas toujours évidents.
Ryan Gosling, certains détracteurs le trouveront comme d’habitude : raide. Je ne suis pas de cet avis, je trouve au contraire que c’est une des premières fois que je le vois autant se lâcher. Il bluffe une fois encore. Jouer du piano sans doublure (l’acteur a appris tous les morceaux qu’il joue dans le film à raison de deux heures de leçons, 6jours sur 7), pousser la chansonnette, emprunter quelques pas de danses à Gene Kelly ou Fred Astaire, tout en étant élégant, charmeur et adoptant la cool attitude. Bien sûr qu’on a vu mieux. Et pourtant, on ne demandait pas quelque chose de grandiose, juste ce petit truc qui fait qu’on est convaincu et qui nous permet sans doute mieux de nous identifier à lui. Sebastian, c’est un vrai passionné qui sait que le jazz se meurt et veut tout faire pour que ça n’arrive pas. Une sorte de conservateur musical qui se rattache au passé, voulant reprendre la forme originale du jazz. Et s’il tentait plutôt de le renouveler ? Tient, justement un peu comme notre film qui ne compte pas reproduire le même schéma que les anciennes comédies musicales mais apporter un vent de fraicheur, de renouveau dans le genre. Point intéressant à aborder et donnant plus d’intérêt, de profondeur à notre personnage optimiste qui nous fait voir le jazz d’un autre œil.
Quant à l’intelligente et adorable Emma Stone, sa voix a beau sentir la modestie, elle n’en reste pas moins mélodieuse, apaisante, émouvante, tout comme ce qu’elle dégage lorsqu’elle joue. Toute sa sensibilité ressort de son regard. Dans La la land, elle interprète une jeune femme voulant percer dans le métier d’actrice qui multiplie les auditions, tentant d’adopter sa petite touche personnelle dans les dialogues qu’on lui propose mais se retrouve à chaque fois soit interrompue, soit coupée. De quoi en frustrer plus d’une. Le duo qu’Emma forme avec Ryan fonctionne à merveille, leur complicité touche au plus profond du cœur. Leurs échanges verbaux, leurs moments intimes, leur fragilité, leurs hésitations, les séquences où ils valsent, c’est ravissant, c’est magique.
Magique, c’est bien ce qu’il en ressort de La la land. La la land, c’est du pur hommage aux comédies musicales de l’âge d’or Hollywoodien. L’intrigue a beau se situer à notre époque, les décors, les costumes portés par nos acteurs, respirent le Hollywood des années 50 tout en étant moderne. C’est drôle parce que c’est déstabilisant de voir que décors de studios de cinéma et ville de Los Angeles se confondent, donnant l’illusion que le monde dans lequel évolue nos personnages est factice. Cette idée nous traversera encore plus l’esprit en voyant certaines séquences où Mia et Sebastian dansent, évoluent dans des paysages peints à l’aquarelle. Los Angeles y est par ailleurs montrée d’une bien belle manière. Los Angeles lumineux, Los Angeles poétique, Los Angeles Jazzy. Visuellement, vocalement : La la land est époustouflant. On est aux anges, entrainés, envoutés par la musique et les pas de danse.
Additionnez ça avec des effets de lumières somptueux présents pour créer des transitions entre scènes musicales et arc narratif (mention aussi à ce faux effet de ralenti où Mia rencontre pour la première fois Sebastian), et la créativité de Damien Chazelle semble sans limites. Dois-je mentionner qu’en plus le film est filmé à l’ancienne, en cinémascope ?
Les références cinématographiques et musicales ( Sebastian jouant du synthé dans un groupe style années 80) se font nombreuses, notamment celle à La fureur de Vivre, où nos deux héros iront se rendre au Griffith Observatoire, là où la célèbre séquence du combat au couteau entre James Dean et Corey Allen avait eu lieu. La la land, en deux heures, il rappelle ou une nouvelle fois pourquoi on aime tant le cinéma. Ça peut paraitre fleur bleue, ça peut donner la sensation que le public visé sera exclusivement un public féminin, la réalisation, la photographie avec des plans majestueux, la mise en scène ingénieuse, le coté film d’artistes pour les artistes sensibles, font directement penser que ce n’est pas le cas et que contrairement à d’autres films du genre, on n’effleurera même pas le ridicule. Du pur plaisir.
Au final, La la land c’est du chef d’œuvre, un véritable phénomène méritant tout le buzz qui tournait autour de lui. Hommage vibrant aux comédies musicales, une pure merveille. Ca chante, ça valse, ça swing, ça parle cinéma, ça parle jazz, ça s’aime, ça parle de persévérance et de ténacité, ça aborde avec finesse et vérité l’amour, ça émeut, ça éblouit, ça fait rire, ça donne envie de chanter et danser, ça encourage à croire en ses rêves, ça donne la pêche, la frite, la banane. La comédie musicale est enfin de retour au cinéma, espérons qu’on est droit à d’autres bijoux de ce genre.