A tous ceux qui critiquent Lala Land sur son échec en tant que comédie musicale, son problème de rythme, son manque de chansons diverses bien en-dessous de ce que proposent les films de Jacques Demy, je réponds qu'ils perdent leur temps.
On m'a promis une comédie musicale, j'ai vu un film sur la musique. On m'a promis des chansons, je ne retiens qu'un thème qui revient et réapparait comme une ritournelle au cours de l'œuvre. Ce film reprend les codes, opère des hommages, célèbre un genre, mais n'est pas une comédie musicale. Il s'inscrit dans un entre-deux, un mélange de genres, une approche "meta" à la présence de chansons dans un film. Il jongle constamment entre rêves, illusions et réalités, poussant le spectateur à jouer avec son incrédulité pour accepter un film dont le ton varie grandement.
Ce film évolue au gré de ses personnages, grandit avec eux, et abandonne progressivement la rêverie musicale pour un style plus réaliste et plus ancré dans le réel. Je conseille la vidéo de F. Thorel (aka le Fossoyeur de Films), sur l'usage des couleurs dans Lala Land, d'abord frappantes, distinctes, unies et claires (comme dans une comédie musicale "classique" hollywoodienne), puis qui petit à petit se mélangent, s'adoucissent, se complexifient à mesure que les personnages gagnent en maturité. De même, les chansons se font plus rares, la musique plus discrète, comme pour signifier l'acceptation progressive de la réalité par nos deux personnages qui gagnent en sagesse.
Ce film est donc un mélange entre fantaisie et réalisme, entre comédie musicale et drame romantique.
La musique est bien, entrainante, sans être exceptionnelle, ce qui est un peu fâcheux pour une "comédie musicale". Ce qui m'a particulièrement touché sont les questions que Lala Land soulève. Comme dans Whiplash, Damien Chazelle s'attaque aux "aspiring artists", des jeunes qui se confrontent au monde réel dans la poursuite de leur passion. Là où son premier film était dur et sec, celui-là est coloré et plein de bons sentiments. Il y pose la question du rêve enfantin face aux choix rationnels, l'amour mis à l'épreuve des responsabilités. Le casting est très convaincant, Ryan Gosling incarnant une version édulcorée de son "soi" habituel, maladroit et rêveur tandis qu'Emma Stone interprète la fragilité, le dynamisme et la jeunesse à merveille. Ils jouent les personnages auxquels on s'attend, très bien, mais sans sortir de leur zone de confort selon moi.
Bref, ce film est une petite merveille visuelle, dynamique, débordant d'énergie et d'hommages pour un genre que le réalisateur a l'air d'apprécier tout particulièrement. Il est plus largement une réflexion sur la condition d'artiste, la confrontation à la ringardise d'anciens styles musicaux, le populaire face à l'exclusif, les sacrifices. C'est une comédie musicale qui se confronte à un monde sans comédie musicale, avec une fin ouverte qui, comme Whiplash laisse le spectateur se demander si tout cela finit bien ou non. Après tout c'est ça la réalité de la vie...