Adeptes forcenés du bon goût grisonnant ou fervents partisans des mises en scène minimalistes, passez votre chemin ! « La mise en scène sera tapageuse ou ne sera pas » annonce d’emblée La La Land avec son extravagante scène d’ouverture où des centaines d’automobilistes coincés dans les bouchons californiens sortent de leur véhicule pour se lancer dans un ballet virevoltant et virtuose qui vous laisse ébloui, scotché au fond de votre fauteuil. Hommage assumé à l’ouverture des Demoiselles de Rochefort et à la chorégraphie des routiers, la séquence permet de pointer immédiatement le thème principal du film (« l’usine à rêve » hollywoodienne qui lui donne son nom) tout en l’ancrant résolument dans le Los Angeles contemporain – à la fois jungle de béton tentaculaire au paysage dominé par les échangeurs des highways surchauffés, et creuset d’une culture plurielle et bouillonnante, mise en valeur par le travelling initial intelligemment couplé au montage sonore des autoradios.
Elle permet également au cinéaste de revenir à ses premières amours (Guy and Madeline on a Park Bench, 2010) et de se démarquer de l’atmosphère asphyxiante qui avait fait le succès de son précédent long-métrage, l’autofictionnel Whiplash (2014), dans lequel Chazelle mettait en scène un jeune batteur de jazz perfectionniste qui, dans sa quête d’un rythme impeccable, s’enfermait dans une relation sadomasochiste avec son chef d’orchestre (J.K. Simmons, à nouveau parfait à l’affiche de La La Land, dans un rôle qu’on aurait souhaité plus conséquent). En effet, si les deux films du réalisateur s’affrontent à la question de l’échec et de l’humiliation, la maitrise et la grâce « naturelles » qui émanent de ce groupe de danseurs évoluant sur une bretelle d’autoroute sonnent comme un véritable pied-de-nez à l’isolement besogneux de l’apprenti jazzman.
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