Fier de son immense succès critique avec son sublime Whiplash, le réalisateur Damien Chazelle revient sur le devant de la scène avec un projet de longue date, qu’il a pu enfin financer grâce à sa notoriété grandissante : La La Land, nouveau film porté sur la musique et véritable hommage aux productions hollywoodiennes d’antan. Pas étonnant qu’avec un tel sujet, le long-métrage ait charmé l’Académie des Oscars tout en empochant une bonne partie des récompenses ! Nouvelle réussite au rendez-vous selon les critiques, que viennent confirmer les chiffres au box-office (plus de 400 millions de dollars à travers le monde pour un coût de 30 millions). Véritable phénomène du moment, La La Land a su trouver son public et se faire une place dans le top 10 des meilleurs films de l’année 2017 (alors que celle-ci ne fait que commencer). Un immense succès amplement mérité ? Au combien, oui !
Il est tout de même bon de préciser, avant de commencer, que le long-métrage de Damien Chazelle se découpe essentiellement en deux parties. La première est un hommage pleinement assumé aux comédies musicales de l’âge d’or hollywoodien. Durant laquelle les chansons et autres séquences chorégraphiées s’enchaînent sans temps mort (non sans un côté farfelu), afin de présenter les rêves de nos deux personnages ainsi que leur rencontre féérique. Le tout se montre diablement entraînant grâce aux musiques entêtantes de Justin Hurwitz et à l’énergie sans pareil de la mise en scène. D’ailleurs, étant donné que nous évoquons ce détail, le film vous offre des séquences de danse évidemment de toute beauté mais aussi à l’envergure démesurée. Dans lesquelles les comédiens, aussi bien principaux que figurants, se trémoussent dans des décors somptueux tout en portant des costumes très colorés, qui apportent beaucoup à l’intrigue même (le choix des couleurs n’est vraiment pas anodin quant à l’évolution des protagonistes). Et puis, rarement vous aurez vu de telles séquences, ces dernières repoussant encore plus loin les techniques de mise en scène et de montage. Comme celle, en plan-séquence, des colocataires de l’héroïne tentant de la convaincre de venir à une soirée, la caméra switchant entre les pièces comme s’il n’y avait aucun mur les séparant. Ou encore (et surtout !) l’ouverture du film, une danse publique sur une bretelle d’autoroute sous forme de plan-séquence elle aussi, qui nous cloue le bec de par son exécution et sa réalisation. Une première partie donc enlevée et énergique, pour ne pas dire magique. Il faut tout de même apprécier les comédies musicales dans l’ensemble, sinon, il vous saura difficile d’accrocher, ne le cachons pas !
La seconde partie, elle, est étonnante. Inattendue. Et pour cause, après tout cet onctueux déballage de couleurs et de chansons, La La Land change de ton : le tout devient réaliste, l’ambiance s’assombrit un peu plus et devient mature, les séquences chantées et chorégraphiées se font de plus en plus rares, les chansons sont plus mélancoliques… Damien Chazelle donne l’impression de livrer un tout autre film, qui n’a rien à voir hormis les mêmes personnages. Un virage à 180 degrés fait de manière gratuite ? Bien sûr que non ! Rappelez-vous ce qui été dit dans le paragraphe précédent : les scènes de danse représentent les rêves et moments magiques des personnages. Une fois qu’ils se sont rencontrés, la réalité les rattrape donc : fini les rêveries difficiles à atteindre, il faut avant toute chose gagner sa vie et mener une existence tout ce qu’il y a de plus banale, au risque d’abandonner ses rêves. La La Land prend ainsi le contrepied à tous ses semblables en arborant un côté très dramatique et réfléchi, évitant le happy end romantique qu’on attendait tous. S’éloignant de toute niaiserie propre au genre (le long-métrage devient pour le coup une sorte de critique sur les films musicaux). Témoignant pour le coup d’un scénario beaucoup plus malin qu’il n’y parait, même si cela peut provoquer quelques longueurs dans le rythme du film. Clamant haut et fort la leçon de vie suivante : vous pouvez réalisez vos rêves, mais cela nécessite certains choix, certains sacrifices, car la vie n’est pas une comédie musicale.
Un film qui, même s’il peut surprendre de par son changement de ton en tout point imprévisible, fait preuve d’une très grand ingéniosité sur bien des points. Autant sur son écriture que sur les différentes techniques utilisées pour sa réalisation. Un travail d’orfèvre que nous offre pour la seconde fois Damien Chazelle, en plus de montrer à quel point il sait diriger les acteurs. Bien que les personnages secondaires soient… secondaires au possible, le film se porte tout particulièrement sur son couple vedette. Après les films Crazy, Stupid, Love et Gangster Squad, le duo de charme Emma Stone/Ryan Gosling est réuni pour la troisième fois et offre à leur personnage respectif une interprétation mémorable (surtout en ce qui concerne Emma Stone, lauréate de l’Oscar). Se donnant avec entrain dans les danses et chansons proposées par le film. Faisant preuve d’une énergie sans faille. Animant leur rôle avec suffisamment de talent pour leur donner vie comme il se doit.
Seconde long-métrage pour Damien Chazelle, deuxième grande réussite pour un réalisateur tout bonnement talentueux qui ne demande qu’à diversifier sa filmographie. En effet, son prochain film (First Man) délaissera l’univers musical car étant un biopic, celui de l’astronaute Neil Armstrong (qui sera joué par Ryan Gosling). Et par la suite, le cinéaste devrait mettre en scène un thriller écrit depuis plusieurs années et dont le succès de La La Land lui permettrait de remettre sur le devant de la scène avec plus de facilité. Quoiqu’il en soit, il est devenu un réalisateur incontournable du cinéma américain, aux œuvres futures incontournables qu’il nous tarde déjà de découvrir.