Ce film est l'un des moments-clés de l'école de Brighton et par conséquent des débuts du cinéma. L'inventeur Georges Albert Smith y reprend le principe de la prise de vue à l'intérieur de la prise initiale, déjà expérimenté dans L'Astronome Indiscret (1900). Le plan subjectif, 'individualisé' en fonction d'un protagoniste, vient de s'imposer. Cette innovation est généralement attribuée à La Loupe de grand-mère par erreur, probablement parce qu'il fait de son prédécesseur un brouillon. Lui ne contenait qu'un de ces plans et n'avait plus qu'à s'attarder sur cette vue originale ; par la loupe de grand-mère on en perçoit cinq.
Le quatrième est audacieux puisqu'il s'agit d'un gros plan sur l’œil de la vieille, alors qu'isoler des morceaux du corps a pu être tabou – la seule alternative observable dans les arts [en Occident où a été fabriqué le cinéma, du moins] jusqu'alors étant le portrait, avec le buste seul. D'ailleurs le reste du temps c'est encore le corps entier qu'on donne à voir dans ce métrage. Même Après le bal de Méliès qui frise l'érotisme pour la première fois (dès 1897) rapporte le corps de sa cible en entier, dans un plan de demi-ensemble. Ce n'est pas anodin car le propre de la pornographie est d'isoler des portions du corps pour les exploiter en tant qu'objets livrés aux besoins, défini pour eux (et finalement par). Pour le spectateur posant son regard un siècle plus tard, le parti-pris du métrage sera encore moins évident que son caractère innovant en son temps. Dès lors le rire final de l'avaleur de Big Swallow (Williamson 1901) devient doublement sardonique.
Grandma Reading Glass n'est donc pas le premier film à exploiter le montage et le découpage comme on le lit parfois : la façon dont Méliès exploite le split-screen dans Un homme de têtes en 1898, les trois scènes du Baiser dans un tunnel de Georges A.Smith himself en 1899, le démentent. En revanche il est bien le second connu à s'en servir pour un plan subjectif (alternant plan 'standard' et point de vue interne soutenu par un close-up) considéré comme le premier car il le diversifie, le fait 'exulter' pour la première fois. Même si l'action reste simpliste, ce film est plus consistant qu'As Seen through a telescope et plus attractif que l'ensemble des productions de l'époque. Il est resté perdu jusqu'en 1960, date où on le retrouva dans la collection du photographe Peter Elfelt, pionnier du cinéma pour le Danemark (Kørsel med Grønlandske Hunde aka 'Traveling avec des chiens groenlandais' en 1897, Henrettelsen en 1903).
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