Comme d'autres avant lui le frenchie Samuel Bodin (la série horrifique Marianne) se retrouve récupéré par quelques producteurs américains qui le propulse à la réalisation d'un petit film d'horreur intitulé Cobweb et traduit La Maison du Mal chez nous. Le film scénarisé par Chris Thomas Delvin responsable du dernier Massacre à la Tronçonneuse pour Netflix se retrouve balancé dans l'anonymat moite d'une diffusion estivale en France alors que son contexte lui offrait pourtant une belle exposition lors d'une éventuelle sortie pour Halloween.
La Maison du Mal nous raconte l'histoire de Peter un gamin solitaire et persécuté à l'école vivant dans une immense maison avec des parents plutôt bizarres. Lorsque le gosse à l'imagination fertile entend des bruits dans le mur de sa chambre, il découvre qu'une petite fille semble vouloir entrer en contact avec lui et devenir son allié et son ami.
La Maison du Mal est un film un peu bancal qui commence en imposant un climat lourd et angoissant avant de sombrer dans le démonstratif et le grandiloquent. Les deux premiers gros tiers du film sont une franche réussite même si ils sont partiellement parasités par quelques personnages un poil trop clichés pour être totalement crédibles comme la gentille maîtresse au grand cœur ou le sale gosse harceleur et blond. Mais rien de vraiment rédhibitoire surtout que Samuel Bodin merveilleusement bien aidé par la photographie délicieusement déprimante de Philip Lozano parvient à installer un vrai sentiment de malaise et d'oppression renforcé à la fois par la musique angoissante signée Drum & Lace et un scénario qui a le mérite de s'amuser avec un délicieux jeu de faux semblants. Car La Maison du mal laisse souvent le spectateur dans le doute et l'expectative grâce à un script assez malin et parsemé d'indices et de fausses pistes. Cette voix et cette présence dans la chambre de Peter est elle celle d'une fillette disparue un soir à Halloween, la voix intérieure du garçon qui le pousse à s'émanciper ou celle d'un ami imaginaire reflet de la profonde solitude du garçon. De la même manière les parents de Peter, même si on les sent d'emblée instables et inquiétants, ne livrent pas immédiatement tous leurs secrets entre maltraitance et surprotection même si parfois les deux conduisent aux même excès. Ce décor d'une maison labyrinthique semblant perpétuellement dans une semi obscurité, l'instabilité d'un foyer familiale au bord de la rupture, les teintes automnales d'un morne Halloween, tout concours a baigner La Maison du Mal dans une ambiance prenante et délicieusement stressante. Les deux parents sont assez génialement interprétés par Lizzy Caplan pour la mère et l'excellent Antony Starr pour le père, même si objectivement le comédien néo-zélandais révélé pour son rôle de Homelander dans The Boys joue sur du velours avec ce rôle de paternel dont les sourires forcées semble cacher une violence prête à exploser à tout moment. Une chose est certaine la grosse première partie du film est diablement efficace et Samuel Bodin joue à merveille de cadrages inquiétants, de lents travellings avants, de jolis jeux d'ombres et de lumière pour instaurer un climat tangible et étouffant avec notamment une formidable scène de cauchemar.
Malheureusement une fois la vérité des faits plus clairement établie et les enjeux mis à plat le film va grandement perdre en atmosphère pour retomber dans certains travers d'un cinéma plus bien plus démonstratif, mécanique et convenu. Une fois la menace échappée des murs de la maison l'angoisse et l'incertitude laisse place à une démonstration un peu vaine d’efficacité et de jumps scares à la Blumhouse mâtiné de relents de films asiatiques avec des fantômes aux longs cheveux sales. Pas forcément désagréable, mais tellement loin des angoissantes promesses des premiers instants le film sombre dans une forme de démo de savoir faire peur tellement creuse qu'elle perd tout impact émotionnelle pour moi. Pour conserver les sombres éclats du film j'aurai même clairement couper les cinq dernières minutes afin d'en conserver au moins la noirceur et garder une sensation globalement plus positive malgré l'orientation grandiloquente de son dernier acte.
Voilà La Maison du mal séduit et impressionne dans un premier temps pour finalement faire un peu pschitttt au final et laissez un sentiment bien plus mitigé. Samuel Bodin n'en demeure pas moins un réalisateur à surveiller.