En 1970 sort un petit film germain qui va faire parler de lui dans le milieu de l’horreur puisqu’il utilise le gore d’une nouvelle manière : le réalisme. Suivant l’exemple d’un Le Grand Inquisiteur (film anglais sur le parcours d’un inquisiteur), il se lance lui aussi dans les sentiers de la torture encadrée par les religieux. Plus besoin d’avoir un Dracula ou toute autre créature pour faire pisser le sang, un contexte historique se prête bien à une débauche de torture : L’inquisition. Le film remporte un vif succès et lance la mode des films sur l’inquisition. Si l’œuvre n’est pas exempte de défauts, le film se révèle plutôt intéressant, nous offrant la performance d’un Udo Kier jeune et fringuant interprétant un jeune idéaliste de l’Eglise catholique.
Le film se révèle plutôt intéressant du point de vue des caractères, puisqu’il cernera bien ses personnages principaux. Ainsi, trois figures dominent. Udo Kier dans son rôle de prêtre jeune et idéaliste, qui critiquera fortement les méthodes du chasseur de sorcières, mais qui croira jusqu’au bout en l’intégrité du juge catholique, quasi aveuglément, jusqu’à la fin du film. Le gentil de l’histoire c’est lui, et il n’agira finalement pas beaucoup sur la situation. Le chasseur de sorcière est quant à lui un brigand de bas étage, qui se sert de son statut pour s’enrichir sur le dos de la population et pour s’approprier tout ce qui passe à sa portée. Dès qu’il n’obtient pas satisfaction, il brandit l’accusation de sorcellerie et se débarrasse de tous ceux qui lui font obstacle. Ce personnage est d’autant plus amoral qu’il rejette toute idée de religion, cet emploi n’étant pour lui qu’une manière de s’enrichir (il fera par exemple attaquer un convoi de nonnes). Il est particulièrement marquant pour sa gueule patibulaire. Enfin, le dernier personnage (le plus politique) est le juge d’inquisition, un bonhomme qui vit bien dans ses appartements et qui se révèle peu regardant sur les accusés, pour peu qu’on y mette un peu les formes. Un simulacre de procès, un ou deux interrogatoires bien menés, et basta, place publique et bûcher populaire. En fait, ses intérêts sont surtout de maintenir l’obscurantisme sur la population (pour les conserver dans les rangs de l’Eglise) et d’augmenter le capital du diocèse. On aura donc droit à l’accusation frauduleuse d’une famille de nobles dont les biens seront alors confisqués et dont les membres seront promptement exécutés.
Si les motifs de l’inquisition restent classiques pour peu qu’on ait vu d’autres films du genre, Mark of the devil se distingue pour son emploi régulier d’instruments de tortures d’époques, et de trucages gores qui donnent dans le réalisme chirurgical augmentant l’impact des séances d’interrogatoires. Plutôt que de céder à des sévices spectaculaires, le film tape dans les détails qui démangent, du doigt écrasé dans un étau à l’arrachage de langue. Plutôt réaliste et carrément révoltant. Toutefois, le film n'est pas non plus sans défauts. Si les prestations des acteurs sont impeccables et que la mise en scène est plutôt maîtrisée, les lieux et l’époque de l’intrigue restent un peu flou. Dommage, vu que le film soigne sa reconstitution d’époque par des lieux de tournage bien choisis. On notera aussi des cadrages parfois maladroits (des zooms qui arrivent à des moments mal-à-propos), et surtout une certaine redondance de la musique qui, si elle est très jolie, finit par lasser de par sa répétition constante (on croirait presque l’entendre toutes les 10 minutes). On pourra aussi s'amuser de la naïveté des séquences amoureuses du film qui se la jouent culte de la Nature avec une candeur pas très communicative. Avec une fin pessimiste, le film conclut sobrement son sujet, et nous a offert de belles séquences d’inquisition, parvenant à capter quelques vérités d’une époque trouble et peu reluisante de l’histoire. Si Les Diables de Ken Russel restent indétrônables, sa sobriété en fait un beau représentant du genre, et le film mérite sa bonne petite réputation.