Doté d’un casting ambitieux pour un premier film, La mécanique de l’ombre joue sans complexe l’immersion dans un genre, le thriller d’espionnage. Soit la descente aux enfers d’un comptable au chômage qu’on charge de transcrire des écoutes téléphoniques. Tout est là : les zones d’ombre sur la nature du travail, l’identité de l’employeur, un voile levé sur les méthodes pour le moins expéditives des barbouzes au service d’élites ivres de pouvoir et accrocs aux enquêtes d’opinion.


Les partis pris esthétiques sont à saluer : pour contrer les inévitables fuites liées aux nouvelles technologies, on recourt à la machine à écrire ; et tout le décorum qui l’accompagne est raccord sur ce refus du glamour ou des gadgets inhérents au film d’espionnage. Un casque, une machine, un appartement décati et des contacts réduits à l’essentiel suffisent à poser une ambiance, une mécanique qui, comme de bien entendu, ne va pas tarder à se gripper.


Chaque comédien joue sa partition comme avec ses atouts : Cluzet, gentiment hagard, Podalydès glaçant à souhait, Abkarian toujours prêt à exploser et Bouajila insaisissable.
L’étouffement inhérent au thriller est essentiellement rendu par des intérieurs étouffants et des atmosphères obscures, le personnage se contentant de varier les enfermements : chez lui, dans cet appartement ou lors des réunions des alcooliques anonymes qui elles-mêmes ne semble pas vraiment contribuer à son épanouissement. Au risque de provoquer un peu l’ennui, malgré un format court.


C’est donc sur cette idée que Thomas Kruithof décape le plus possible les éléments extérieurs à l’entourage direct de son protagoniste, dont les enjeux sont pourtant essentiels. Qu’il s’agisse d’un manque de moyen ou d’un parti pris, l’idée est plutôt bonne, le point de vue forcément limité nous contraignant à partager l’étouffement et la perte de repères. A quelques abus près (les gros plans des bandes des cassettes ou de l’impression de la machine à écrire, éculés et redondants), sa mise en scène est de bonne facture.


L’effet indésirable qui en découle néanmoins est le caractère hautement improbable de toute cette intrigue : on distille à l’envi certains indices, et l’on s’arrête lorsqu’on ne sait plus trop comment en expliquer d’autres (Spoils : on n’explique pas comment on a pu faire des écoutes à la DGSI, ni les raisons pour lesquelles le personnage d’Abkarian a agi après son exclusion)… Plus le récit progresse, moins convaincants sont ses développements et la surenchère qu’ils occasionnent pour nous donner à voir une « mécanique implacable » tourne un peu à vide.


Dommage. Le film, sans prétention, était plutôt prometteur : il aurait fallu que l’ombre en question soit davantage considérée, au risque d’y perdre les lueurs apparemment inévitables du happy end.


(5.5/10)

Sergent_Pepper
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le 23 déc. 2016

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Sergent_Pepper

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