Le film prend l'eau et coule à pic
À vouloir faire des films en prise directe avec la réalité économique (défection des banques, restructuration puis licenciements avant rachat), il conviendrait pour le moins de faire preuve de vraisemblance et non pas livrer une œuvre totalement improbable, presque farfelue, dans ses développements. La Mer à boire, qui au final s'avère une infâme potion à avaler, signé de Jacques Maillot, cinéaste rare qu'on a connu plus inspiré – surtout avec Nos vies heureuses en 1999 – fait hélas partie des films ratés, incapables de mener à bien leur projet qui finit par s'enliser dans des bifurcations aussi stupides que dilatoires et une résolution carrément irréaliste, pour ne pas dire idiote.
C'est sans doute le personnage de Georges Pierret, un patron de chantier naval, qui pose problème. En proie à des difficultés croissantes de financement, son entreprise est en voie de péricliter. Si les séquences retraçant la mauvaise passe et la détérioration des rapports avec le personnel qui s'ensuit ne sont pas dénuées d'intérêt et restituent plutôt bien le climat délétère et la méfiance qui s'installent, l'ajout d'histoires parallèles (l'idylle entre deux jeunes membres du chantier, mais surtout la mièvre escapade moscovite) plombe l'ensemble. Ainsi le dernier tiers qui voit la résurrection de l'entreprise par la construction d'un bateau grandiose (dont on se demande bien comment il peut être financé vu l'état catastrophique de la trésorerie) ôte t-il toute crédibilité au film entier. Et éloigne par conséquent le propos d'une réalité tangible, faisant du patron orgueilleux un être presque irresponsable.
La Mer à boire est un long-métrage sans envergure ni souffle qui aligne beaucoup de lieux communs avant de tourner subitement le dos à son sujet pour s'occuper des états d'âme sentimentaux de son (triste) héros. Tout devient terriblement schématique : des ouvriers râleurs et bornés aux financiers inhumains en passant par les vautours qui rôdent autour de l'entreprise à racheter. Et manque au final de férocité et de réalisme pour susciter de manière durable l'attention du spectateur, ennuyé par tant d'archétypes et d'éloignement de la réalité censée être dépeinte. La Mer à boire est assurément un film qui prend l'eau jusqu'à couler à pic sans espoir de retour.