La Mer A l'Aube se place dans une certaine mouvance de ces dernières années qui tend à expliquer que malgré les horreurs absolues du nazisme, il y a eu des nuances dans les comportements de part et d'autres, des membres de l'administration française plus fascistes que les nazis et des membres de la S.S. qui étaient avant tout soldat et très peu en accord avec la politique extrémiste voulue par Hitler. Certains films comme La Chute, humanisant Hitler, ont été très mal accueillis pour ça.

Nous sommes donc transportés dans les dernières heures de ceux qui deviendront les "fusillés de Châteaubriant", avec ce que cela implique de tractations entre les officiers de la S.S. et la préfecture pour désigner les condamnés. Tout l'art de Schlöndorff est alors dans la nuance avec laquelle il aborde le sujet, refusant de condamner une autre personne que le führer dont on devine que lors de ce fait historique, c'est la colère et seulement la colère, qui a guidé sa décision.

Nuance dans la manière qu'il a de décrire les trois responsables indirects, ceux qui ont assassiné un officier nazi, entraînant ces représailles massives. Lorsque l'un deux décide de se rendre pour éviter 150 exécutions, les deux autres sont prêts à le tabasser pour éviter ça, se rendant indirectement responsables de 150 meurtres.
Nuance avec laquelle il nous explique que non, les officiers nazis n'étaient pas tous des fous psychopathes assoiffés de sang, certains étaient avant tout des soldats allemands qui, comme lors de la Première Guerre Mondiale, étaient là avant tout car convaincus que l'Allemagne devait guider l'Europe. Schlöndorff est-il dans le vrai ? Allez savoir. Ce qui est certain c'est que ce genre de propos passe encore mal de nos jours, quand bien même l'Europe aurait rapproché les peuples. C'est d'ailleurs la force du propos qui fait que le jeu des acteurs devient un problème secondaire, ils ne jouent pas, ils incarnent. Lorsque l'Histoire se fait histoire, le jeu d'acteur s'efface devant la force de la réalité.

C'est sur le plan émotionnel que ce film est le plus marquant, il se rapproche beaucoup d'ailleurs des Sentiers De La Gloire de Kubrick. On est révolté pendant plus de la moitié du film, révolté face à la complicité de certains Français, révolté devant la solitude du préfet pour se lever et dire non ! Révolté devant l'arbitraire du choix des condamnés, révolté devant la cruauté infligée à un des condamnés qui était libérable dès les matin et que sa femme, venue l'attendre, voit partir pour le peloton d'exécution, révolté jusqu'à l'écoeurement devant la sidérante séance de répétition des exécutions par un officier S.S., "manuel du parfait bourreau" en main devant ses hommes bref, révolté devant la barbarie égocentrique d'un petit moustachu frustré parce-qu'il n'est pas devenu peintre et qui lance des ordres aveugles sous l'emprise de la fureur (sans jeu de mot), entraînant avec lui des officiers qui pourtant ne rêvent que de gagner le coeur des Français.
Remercions alors Hitler, car s'ils n'ont pas réussi, c'est un peu grâce à sa folie.
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le 24 nov. 2012

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