La Momie
6.4
La Momie

Film de Karl Freund (1932)

Il y a deux sortes de films des années 30, ceux trop ancrés dans leur époque cinématographique et que le temps a impitoyablement fait vieillir. Il y a ceux, comme La Momie, auxquels les décennies ont donné un charme fou qui appelle une affection sans bornes et fait sourire avec bienveillance. L'histoire est probablement connu de tous, une momie est déterrée par des archéologues, cette momie s'avère être celle d'un grand prêtre égyptien mis à mort parce-qu'amoureux d'une vestale qui lui était interdite. Sur un coffre, qui accompagne le sarcophage, est gravée une malédiction qui poursuivra celui qui en soulevera le couvercle. C'est ici que se révèle alors ce qui est peut-être un des grands malentendus du cinéma, à savoir que le personnage de la momie est souvent classé dans la galerie des monstres du 7ème art, alors que nous avons en fait affaire à une belle, une forte histoire d'amour, une histoire d'amour qui à traversé 3 700 ans. Le but ultime de cette momie, même si elle doit tuer pour ça, est de retrouver et de ramener à la vie celle qu'on lui a interdit d'aimer, l'histoire se montrant tout du long cruelle avec les deux amants, la belle tombant finalement dans les bras du bellâtre de service, ce qui apparaît totalement navrant et d'une grande injustice.

Le charme opère dès le début, malgré l'âge respectable qu'a aujourd'hui ce film. Rien, ou si peu, ne paraît dépassé par ce qu'on peut faire actuellement dans le cinéma fantastique. Le grimage de Boris Karloff est manifestement une des grandes réussites du film, totalement crédible pour toute momie qui se respecte, il rend l'acteur absolument glaçant de bout en bout sans que celui-ci soit obligé de multiplier les grimaces qui auraient risqué de nous faire rire. Cet art de la retenue effrayante, il le maîtrise à la perfection et tétanise sur place lorsqu'on se surprend à la regarder dans les yeux.


Les autres acteurs en revanches, s'ils ne sont pas transparents, souffrent de la prestation de Karloff et de leur jeu d'acteur si théâtral et qui rappelle que le cinéma muet n'a pris fin que six ans auparavant. Ils traînent encore derrière eux ce jeu qui s'accepte si bien dans un film muet, parce-qu'il est nécessaire pour transmettre une émotion, mais qui paraît si superflu dans un film parlant. L'ensemble reste tout de même honorable et s'oublie vite devant la petite surprise que représente le travail de Karl Freund avec sa mise en scène. D'une surprenante beauté, exploitant parfaitement la contrainte du noir et blanc, elle réserve quelques fulgurances dans des mouvements de caméras très audacieux pour l'époque et de vraies prises de risques avec le montage qui auraient pu décontenancer le spectateur. Le tout donne une vraie fluidité au récit et les scènes se succèdent comme d'évidence, donnant une vraie modernité à l'oeuvre et peut-être même de l'intemporalité. Il est parfois un peu pompeux d'affirmer que l'original et meilleur que le remake mais ici, c'est tout ce qu'il y a de plus exact. Qu'un film datant de 1932 puisse encore faire peur en est la preuve incontestable.
Jambalaya
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le 8 mars 2013

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