Avec "La Dentellière", grand film, vu il y a quelques mois, je découvre peu à peu, l'oeuvre de Claude Goretta. Dans "La mort de Mario Ricci", je retrouve son univers, son style et sa façon de créer une atmosphère poétique à partir de la réalité des faits.
Il confirme ce que j'avais ressenti et perçu dans "La Dentellière", sa remarquable faculté à nous "couper" de notre propre perception du réel. Il nous immerge dans un autre "quotidien". Il créé une bulle, un autre monde. Ici, un village suisse du Jura.
Ce "réel" recréé, c'est la perception du personnage central, au travers duquel passe le regard du réalisateur sur une tranche d'existence, le moment d'une vie, d'un destin au travers d' un lieu, des individus qu'il y rencontre. Encore bien plus dans ce film ci.
Vision d'autant plus forte, que le personnage pivot du film, incarné par Gian Maria Volontè (excellent), est journaliste.
C'est, donc, par sa façon d'évoluer au milieu de ce village, des rencontres qu'il y fait, dans le fil de ses pérégrinations, que son attention se trouve happée par un fait divers qui touche émotionnellement tout ses habitants, impliqués ou pas. Il n'enquête pas. Les informations s' offrent à lui, une par une, sans qu'il n'y ait une volonté précise de sa part. Ses oreilles écoutent, l'affaire l'intrigue.
Le rythme du film, austère, épouse le rythme du journaliste, ralenti par sa jambe malade -il s' aide d'une canne-, et par le sentiment de tranquillité qu'il éprouvé en ses lieux, dans ce village, dans cet hôtel où il se trouve être "chouchouté" et touché par la "patronne" (merveilleuse Magalie Noël). Ce pourquoi il est venu en reportage avec son cameraman (Jean Michel Dupuis) - un interview exclusif d'un spécialiste de la faim dans le monde ayant perdu toutes ses illusions (Heinz Bennent, sensible et écorché), reclus avec sa femme - semble devenir accessoire et passer au second plan.
Pas vraiment. L'entretien, inachevé, parle du monde, de ses injustices et imperfections. De l'idéal de générosité qui se fracasse sur l'égoïsme de chacun d'entre nous...
Je serais tenté d'y faire un lien, avec "la mort de Mario Ricci", tout aussi absurde que bête, dont les mobiles ne sont motivés par une vision envieuse et égoïste du monde.
Au moins, la venue du journaliste, aura rétabli une forme d'équilibre et de paix, en faisant "surgir" la vérité, malgré lui, dans cette univers de "carte postale", pas si "aseptisé" et idéal qu'il le laisse paraître. C'est pareil pour le professeur, l'intervention indirect du journaliste, plus volontaire, le pousse à sortir de sa "torpeur" et lui donne l'énergie de reprendre son bâton de pélerin-prêcheur.
Un journaliste se fait courroie de transmission des informations du monde, qu'elle viennent d'un macrocosme ou d'un ensemble plus vaste, c'est aussi de lui qu'émerge la réalité des faits sans jugements de valeurs; tout comme il peut se faire le déclencheur de prises de consciences importantes dans des combats essentiels à mener ou à ne pas abandonner sur un plan plus global.