La Mule s’ouvre et se clôt avec un plan focalisé sur des fleurs, des iris en somme : nous entrons dans le film par un panorama floral, dans ce jardin désherbé de toute famille où pourtant poussent des iris, des filles à profusion. On a l’impression que notre cultivateur commence libre pour finir derrière une clôture carcérale, il n’en est rien. Car Earl est un détenu intérieur, un passionné de jardinage qui négligea si longtemps sa famille dans l’intime conviction que le travail était la fin de toute existence, en vertu du fameux rêve américain. Et le road movie central lui offrira un temps de méditation – comme quoi on ne cesse jamais d’apprendre de ses erreurs –, l’occasion de sillonner ses routes sensibles au gré des rencontres. C’est confronté aux dealers, à cette vaste famille de substitution, que notre protagoniste principal prendra conscience de l’importance du temps partagé avec les êtres chers : il trouvera un fils en ce policier obsédé par son emploi au point d’oublier l’anniversaire de mariage, un petit-fils en ce mafieux soucieux de trouver sa place. Earl est une plante tardive, une fleur qui éclot in extremis, juste à temps pour répandre ses délicieux parfums parmi sa vraie famille. Il rappelle d’ailleurs n’avoir jamais eu peur de dire ce qu’il pensait dans sa vie ; il s’excusera au son d’un « je t’aime » bouleversant. La Mule respire la simplicité mais n’est jamais simple, ni simpliste : on passe du rire aux larmes entre deux courses illégales, envoûtés par l’insolite, enfin décloisonnés d’un cinéma américain que Clint Eastwood n’a jamais cessé d’explorer. Faire tomber les voiles, débroussailler l’humain de sa technologie inerte, laisser germer en parfaite adéquation avec sa nature propre : voici venir l’iris resplendissante de mille teintes qui n’est là que pour quelques instants, l’instant d’une vie, l’instant d’une année, l’instant d’un jour passés à aimer.

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le 23 janv. 2019

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