Les mois passent, les drames s’enchainent et le grand chef-d’œuvre de 2015 se fait encore cruellement attendre.
Vendu comme rien moins que « La révélation espagnole de ce siècle » par Almodovar, La Niña de Fuego est censé, à l’instar de La Isla Minima il y a quelques semaines, redonner toutes ses lettres de noblesse au cinéma ibérique. On pense à l’engouement pour Amenabar et surtout Inárritu à leurs débuts, face à une œuvre assez ambitieuse et désireuse d’audace sur le plan formel.


La Niña de Fuego n’est pas sans mérites, loin s’en faut. Le film commence comme un récit choral à la lenteur assumée, disposant progressivement des fragments amenés à se joindre. Alors que le spectateur commence à se faire à ce rythme, il s’attend à se voir récompensé de sa patience par la construction d’un édifice où toutes les zones d’ombre seront éclairées. Il n’en est rien, et c’est finalement là l’une des réussites du film. Lourdement mise en abyme par le motif du puzzle et de la pièce manquante, le récit va faire de l’ellipse un de ses moteurs narratifs. Certains mobiles resteront opaques, les scènes parmi les plus pathétiques seront passées sous silence. De cette mécanique lacunaire surgit un équilibre assez envoutant par moments, qui nous fait soupçonner des manipulations chronologiques, et nous rend suspicieux face au montage pour tenter de donner un sens à ces personnages terriblement silencieux. Car si leurs motivations sont claires, c’est bien leur posture morale qui déroute : sans manichéisme exacerbé, le montage qui leur accorde un temps de présence à peu près équivalent tente de mettre en place cet adage selon lequel, quoi qu’il arrive, chacun a toujours ses raisons. On comprend bien ici la filiation de Carlos Vermut avec le maître Almodovar.


Les intentions sont louables, l’ambition n’est pas en reste. Mais tout ceci ne fonctionne pas véritablement. A trop vouloir jouer la carte de l’opacité, les personnages peinent à exister, et s’embourbent dans un récit qui se veut retors mais duquel ne surgit surtout que de l’artificialité. Alors que la lenteur et les silences nous rendent exigeants face à ces figures, les voir se vautrer dans les malentendus ou choisir la voie du pire pour honorer la tragédie dans laquelle ils s’illustrent achève notre indifférence à leur égard. La Niña de Fuego est une machine qui se veut bien huilée, mais qui n’exhibe que ses rouages, sans se soucier de l’essentiel, cette part de l’humain censément la mettre en branle : l’émotion.

Sergent_Pepper
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le 21 août 2015

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Sergent_Pepper

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