Enthousiasmé de voir Agathe Bonitzer dans un film "baigné de spiritualité", je me précipite dans la salle obscure projetant "La papesse Jeanne". Déjà, je m'étonne : personne d'autre, à part moi. Pourtant, un jeudi à 20h, pour un film fraîchement sorti, il devrait y avoir un minimum de monde.
Le film commence, et dés les dix premières minutes, je comprends tout. Je suis face à un navet. Car oui, les navets, ce ne sont pas que des blockbusters américains bourrins (même si dans cette catégorie-là, ils sont plus facilement reconnaissables). Nous sommes ici face au navet d'auteur, celui qui veut t'apprendre la vie, qui te déverse son intellectualité à la figure, plein de suffisance. Comme l'indique le titre de mon avis : n'est pas Eric Rohmer qui veut. Le cinéma d'Eric Rohmer, basé sur la langue, est très hermétique, mais ne prend jamais son spectateur pour un idiot : les dialogues y sont magnifiques, et la mise en scène fluide, simple, portant totalement son sujet.
Ici, nous avons affaire à des dialogues terriblement vides, portés par une mise en scène qui se targue d'en être une. Je m'explique sur cette dernière phrase : la mise en scène, au lieu d'être construite à la lumière de ce qu'elle met justement en scène, est construite dans l'objectif de dépasser ce statut-là. Elle en devient donc... une posture. Quand, à la suite d'une baignade sensuelle dans une rivière, le réalisateur nous assène un plan de terre contenant des fourmis, on ne peut s'empêcher d'être pris pour des cons. Pourquoi cette sensation ? Parce qu'il n'y a aucune justification, dans l'histoire ou les dialogues, de cette association, à ce moment précis de l'histoire. Le retour à la terre, à la chair, qu'opère régulièrement l'héroïne dans le film, est entamé bien plus tôt. Ici, on est face à une posture que prend le réalisateur : il veut nous faire montrer un sens dans de l'image, mais à aucun moment ne se demande s'il ne perdra pas le spectateur.
Cette impression qu'a le spectateur provient essentiellement d'une énorme paresse scénaristique. Et ça, c'est irrattrapable.
Je vais conclure sur deux fleurons de dialogues stupides : 1. " - Et si on demandait aux nonnes de prier les archanges ? - Et si on laissait entrer un peu d'air frais ?" 2. - "Les poules sont ignobles, vous devriez prendre des oies. - Nous t'en prions tous"