Faire un film documentaire, c'est poser le regard. Prendre part avec son corps à un sujet.
Ce récit suit le quotidien d'un médecin généraliste qui reçoit des migrants en rendez-vous dans son bureau de l’hôpital public. La caméra est posé en arrière de celui-ci, fasse aux patients.
Un à un, ils défilent dans son bureau, avec leurs cicatrices, leurs marques de coup, leurs hématomes, des blessures provenant de leurs parcours migratoires, leurs récits se libèrent.
Ce qui marquent dans ce film c'est la manière dont la parole se libère. Ils viennent déposer dans ce bureau ce qu'ils n'ont pas encore avoir déposé ailleurs. Avec un flegme et une grande écoute le médecin ausculte, traite le corps tout en gardant un œil attentif à la tête. Jusqu'à, orienté certains patient, vers une discussion avec la psychologue.
En hiérarchisant les problèmes, il repartie la tache. Le patient est alors traité dans son ensemble et non plus de manière partielle.
La place, c'est aussi celle de la documentariste, qui est là, présente, qui écoute, qui reçoit le vivants. Mais a-t-elle le même filtre de protection qu'un médecin se recommande à lui même?
Alice Diop est une réalisatrice qui fasse à l'urgence de ce qu'il se passe à l'image, n'hésite pas - ou du moins nous ne le voyons pas - à rentrer dans l'image. Sur autorisation-recommandation du médecin, pour soutenir une patiente qui en racontant son histoire se fait submerger par son récit, une vague d’inhumanité l'emporte. La réalisatrice surgit, intervient à l'écran, la serre dans ses bras. Ce geste signifie simplement fasse à la détresse : "on est là" - "tu n'es pas seule" - "je m'engage avec toi".
C'est à mon sens l'engagement d'un documentariste que de raconter l’âpre délicatesse de notre réel, et Alice Diop réussit parfaitement cette équilibre.