La Porte du paradis par cedricrassat
Plus je vois ce film (je l'ai vu quatre ou cinq fois dans sa version longue, dont trois en salle) et plus je me demande comment les Américains et Hollywood ont pu passer à côté, à l'époque. Bien sûr, il y a une raison évidente : "Heaven's Gate" est un film d'extrême-gauche, un film de rebelle qui met les pieds dans le plat de l'histoire officielle (avec une histoire vraie !) et qui a eu la malchance de sortir au moment même où l'équipe réactionnaire de Reagan arrivait au pouvoir aux Etats-Unis. En termes de timing pourri, Cimino pouvait difficilement faire pire... Mais, bon, ces raisons politiques mises à part, je ne vois pas comment on peut ne pas être sidéré par la force romanesque de ce film. Déjà, je me demande combien de films hollywoodiens des ces quarante dernières années ("The Deer Hunter" mis à part) ont pu présenter trois personnages aussi riches, complexes et, disons-le, magnifiques que ceux qu'interprètent Isabelle Huppert, Kris Kristofferson et Christopher Walken dans ce film. Ensuite, il y a l'ampleur romanesque que Cimino semble chercher inlassablement (le début à Oxford, la fin sur le yacht, la naissance de l'Amérique à l'arrière-plan, mais aussi et surtout la présence récurrente de cette majestueuse chaîne de montagnes à l'arrière-plan, qui donne une ampleur fordienne à la quasi-totalité des scènes tournées en extérieur). Et puis, "Heaven's Gate" c'est quand même aussi un genre de western ultime, un film à la fois historique, totalement épique, politique... Bref, un cas unique, ou presque, à Hollywood. Après, j'avoue avoir aussi songé que Cimino était presque "absent" de ce film (là encore, comparé à "The Deer Hunter""). En gros, il prend tellement de distance, de hauteur, par rapport à son sujet qu'il finit presque, par disparaître. Enfin, ça reste une impression très subjective et qu'il faudrait creuser... Mais, bon, sinon, quel chef-d'oeuvre !