Un excellent mémorial, un film mineur...

Après l’annonce de La Rafle, on pouvait voir ce projet comme une sorte de Liste de Schindler à la française, avec un casting alléchant (Mélanie Laurent, Jean Reno, Gad Elmaleh, Sylvie Testud…) et un sujet rarement évoqué au cinéma (la rafle du Vélodrome d'Hiver). Maintenant, voyons ensemble si ce film tient toutes ses promesses ! (ATTENTION, SPOILERS !!)

Le film nous conte les événements de la terrible rafle du Vélodrome d’Hiver, en 1942, durant laquelle 13 000 Juifs sont « retirés » violemment de leurs domiciles par ordre de l’occupant et de Pétain. Mais surtout, La Rafle s’attarde à suivre en particulier une famille (celle du petit Joseph, 11 ans) et une infirmière qui va faire tout son possible pour aider ses malheureux. Jusque là, le film a le mérite de nous décrire un moment effroyable de l’Histoire, tout en nous insistant sur le fait que tout ce qui est montré relève de la réalité (personnages, événements les plus extrêmes…). Mais pour que La Rafle soit à la hauteur de La Liste de Schindler, il lui aurait fallu un scénario de taille. Or, ici, il n’y en a pas du tout ! Le film raconte ce qui s’est passé, rien de plus… Nous avons beau suivre le destin tragique d’une famille, sa présence à l’image nous donne plutôt l’impression qu’ils ne sont là que pour donner une directive à la trame principale. Car aucun des personnages n’est travaillé ! Ils subissent la Rafle comme tant d’autres, c’est tout… Que le film de Rose Bosch soit un documentaire ou bien (plus approchant) un docu-fiction, le résultat aurait été le même. À la limite, seul le personnage de Mélanie Laurent (l’infirmière Annette Monod) reste intéressant à suivre. Et puis, le film fait l’erreur de vouloir dépasser la limite du larmoyant, au point que certaines émotions ne passent pas comme on l’aurait voulu. Par exemple, le film démarre par un enchaînement de persécutions antisémites non-stop cinglantes, mais qui donnent l’impression d’une surdose désagréable à supporter et enlevant un peu de « réalisme » (on ose douter que c’était aussi excessif que cela !). Et puis parfois, ça frise le ridicule (l’interprétation d’Hitler qui flirte avec le ridicule de par ses grotesques crises) ! Tout cela pour nous montrer des images certes tristes et touchantes, mais jamais puissantes (l’ensemble du Vél d’Hiv bien trop numérisé, attardement sur des séquences qui pourrait durer moins longtemps, émotions des personnages attendues…). Et je ne parle même pas de la fin, qui semble télescopée et fait perdre au film son réalisme (l’infirmière qui, deux ans plus tard, retrouve comme par hasard, deux enfants perdus de vus et qui avaient pris des chemins différents). Seule la séquence où les enfants sont séparés de leurs mères, face aux pères qui protestent sans rien faire (car étant impuissants à ce qui se passe sous leurs yeux) restent le seul passage réellement intense à regarder !

Heureusement, La Rafle peut compter sur un casting honorable. Où Jean Reno excelle à nouveau (cela faisait longtemps que nous ne l’avions pas vu dans un projet français sérieux), Mélanie Laurent tout en finesse, Gad Elmaleh bluffant avec son jeu d’acteur qui flirte avec un naturel indiscutable, Sylvie Testud excellente, les nombreux enfants qui participent à cette description…). Et puis, il ne faut pas oublier les différents niveaux de reconstitutions de cette époque, à savoir les décors (la Butte Montmartre, le Vél d’Hiv, le camp de Beaune-La-Rolande, Vichy ou encore la terrasse du Berghof), les nombreux costumes et accessoires du film. Si quelques images de synthèse made in France viennent un peu gâcher tout cela (l’intérieur du Vél d’Hiv, la vue panoramique du Berghof), il est clair que la Rafle peut se vanter d’être un film historique de ce côté !

Rien d’autre à dire sur ce film. Pour conclure donc, je vais résumer sur le fait que La Rafle est un excellent « mémorial », un formidable recueil pour toutes les victimes de cet acte satanique pourtant orchestré par des êtres humains, servi par une distribution de prestige et une reconstitution à la hauteur de l’ambition du projet. Mais de là à dire qu’il s’agit d’un excellent film... Pas de scénario travaillé (juste une trame qui se suit) aux émotions souvent forcées et artificielles : voilà ce qui gâchent entièrement l’ensemble ! Avec un tel sujet, on peut parler dans ce sens parler de gâchis. Car si la Rafle du Vél d’Hiv restera à jamais dans les mémoires, ce film de Rose Bosch n’y hébergera que durant quelques minutes après son visionnage…

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