D’abord il faut relever que c’est moins pire, dogmatique et exubérant que prévu, même si c’est aussi laid, ostentatoire et laborieux. Chargé, linéaire et pataud, le spectacle se laisse voir sans dommages, sans inspirer l’agacement, en raison de son premier degré et de la simplicité revendiquée de sa déférence.


Pour autant, la volonté militante de Roselyne Bosch, son univocité, dégoulinent. La Rafle s’érige en outil d’instruction civique à l’usage des consciences endormies. Voué tout entier à sanctifier les victimes de la rafle du Vel d’Hiv, le film use de tous les excès à disposition.


La Rafle demeure un produit culpabilisateur et c’est l’inefficacité du traitement, mais aussi une retenue vraisemblablement inspirée par la gravité du sujet, qui permettent d'encaisser son moralisme aveugle. Roselyne Bosch, réalisatrice assistée de son époux et producteur Ilan Goldman, a accusé les spectateurs sceptiques de « rejoindre Hitler en esprit ». Il faut dire que c’est un projet qui leur tenait à cœur. Cette identification au camp du Bien habite le film ; pour éviter toute nuance, l’Histoire est rasée, étriquée, compressée, les adversaires sont hystériques ou malsains, les victimes sont sobres, naïves et solidaires.


Si La Rafle peine à créer des personnages profonds et significatifs (malgré la performance archétypale d’humble intellectuel/prophète juif de Gad Elmaleh), elle s’épanouit dans la peinture d’ennemis grotesques. Hitler est naturellement sa cible la plus chérie et La Rafle met en avant sa "paradoxale" empathie pour les animaux, l’affublant d’une humanité inconsistante, immature, au prétexte de furies cartoonesques. Dans la même lignée, Pierre Laval campe l’opportuniste cynique et confiant, alors que Pétain est un homme obnubilé par le pouvoir, froid et calculateur, soumis aux Allemands par pur intérêt égotiste.


Fatalement, La Rafle trahit ses intentions partiales et revanchardes (et écœurantes) en divisant son Monde entre les victimes, les bourreaux et leur cour. Hormis l’infirmière (Mélanie Laurent) intervenant au Vélodrome pour panser les plaies des petits Juifs arrachés à leur famille, et qui pour éviter la honte d’être libre, adopte les conditions de séjour de ses patients, l’ensemble des Français sont des collabos profitant des circonstances. Seules quelques femmes s’émeuvent de la Rafle ou protègent une enfant juive. Les autres ne sont que des suiveurs trouvant le moyen d’exulter leur mesquinerie ou leur haine. Défilent alors les policiers accrochés à leurs ordres, tentant d’exercer un sentiment de puissance dans leurs actes, à défaut de comprendre de quoi ils sont la main. Les (rares) issus de la société civile sont tous des "franchouillards" clamant leur satisfaction d’une France épurée et égale à elle-même.


Enfin en dépit de sa mise en scène décente, La Rafle dégage un effet audiovisuel caractéristique. C’est que ce type de projets, institutionnel dans sa volonté et gardien du conformisme des foules, semble plus adapté à un contexte de commémoration télé qu’à une séance cinéma digne de ce nom. A ce titre, La Rafle assume son rôle : en se soustrayant, à une poignée de plans à la grue près, à toute dimension esthétique, l’oeuvre ne vole pas la vedette à son cher sujet.


Toutefois, c’était déjà le cas de Joyeux Noël dans le même genre (mais où l’acteur bankable, Dany Boon, affinait son image). Fonctionnel, bourru mais ponctuel dans ses démonstrations, La Rafle applique parcimonieusement et par convention le quota de séquences tire-larmes, pour un résultat sec et simpliste, mais limpide et prompt à affecter et remplir son auditoire d’une sensation d’appartenance et d’implication à une névrose collective. Qui veut sa rédemption ?


http://zogarok.wordpress.com/2013/04/03/la-rafle/

Zogarok

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