Et Disney entra dans un nouvel âge d'or !
On le sait, Disney, ça fait des décennies qu’ils font des films d’animation (mais pas que…). Ce qu’on sait moins, c’est qu’il y a des périodes où Disney fait recette, succès sur succès, et des périodes où c’est moins bon, où la firme est moribonde, et où le dernier Disney ne déplace pas les foules. Ces « âges d’or », on en a eu 2, l’un sous ce bon vieux Walt avec les tout premiers films sortis entre 1937 et 1941. Par la suite, la guerre et le décès de Walt Disney, ont fait un peu baisser le succès de la firme, qui en a alors profité pour se diversifier, envahissant alors le cinéma dit « live » et la télévision. Il faudra attendre 1989 avec La Petite Sirène, pour entrer dans un second âge d’or, que beaucoup ont bien connu, puisqu’il fut celui du Roi Lion, d’Aladdin, de La Belle et la Bête… les plus gros succès de la firme !
En 1995, Disney commence une longue chute. Pocahontas a eu la lourde tâche de passer derrière le raz de marée du Roi Lion, et le film n’étant pas à la hauteur des attentes, il n’a pas eu les résultats escomptés. Cela n’a pas empêché Disney de toujours être audacieux, en nous sortant l’excellent Bossu de Notre-Dame ou le décalé Hercule, ou encore Mulan, film particulièrement moderne pour son époque. Bref, même si le succès était moins présent, artistiquement les perles étaient encore là, et le second âge d’or s’est définitivement terminé avec Tarzan.
Mais Dreamworks est arrivé, un concurrent de taille, et il a apporté l’image de synthèse dans le monde de l’animation, et a frappé Disney très très fort là où ça fait mal. Après quelques films plutôt ratés en image de synthèse (Chicken Little, The Wild, Bienvenue Chez les Robinsons), Disney tente un retour à l’animation traditionnelle avec La Princesse et la Grenouille. Plutôt réussi, le film est aussi un bon succès financier, mais pas autant que ses concurrents…
Et puis il y eut Raiponce… Ce film d’abord prévu en animation traditionnelle va connaître un bouleversement dans sa production. En effet, John Lasseter, ancien boss de Pixar, prend la tête du département créatif de Disney, et entend bien redorer le blason de la maison de Mickey ! Raiponce sera donc en image de synthèse ! Et si Raiponce n’a pas eu un succès record, force est de constater que Disney est bel et bien revenu sur le devant de la scène, Raiponce reste un grand succès critique et financier !
Nouvel âge d’or ? On ne pouvait pas encore le dire. L’année suivante, Les Mondes de Ralph divise un peu les spectateurs (moi j’adore !) mais fonctionne bien aux Etats-Unis. Reste alors au nouveau film de princesse de la firme à prouver que Disney entre bel et bien dans un troisième âge d’or…
Ce film, c’est une adaptation du conte de Richard Dean Anderson…. non je rigole ! C’est une adaptation du conte de Hans Christian Andersen. Ce conte, peu connu dans nos contrées raconte l’histoire d’une reine pouvant contrôler la glace et qui plonge tout un pays dans un hiver éternel.
Il s’agit donc du pitch du conte, mais comme d’habitude Disney va en prendre l’essence et l’adapter à sa sauce, et le fait avec brio ! D’ailleurs, si le titre français reprend celui du conte, le titre original, Frozen, se garde bien de le faire, marquant la différence avec l’oeuvre originale.
Le conte original raconte l’histoire d’un garçon qui disparaît et de son amie Gerda qui part à sa recherche jusqu’au château de la reine des neiges, où il est retenu.
Exit le petit garçon, dans la version Disney, l’histoire se passe à Arendelle, à une époque indéterminée. On suit Anna, qui cherche à retrouver sa soeur Elsa, devenue reine suite à la mort de leurs parents. Elsa possède le pouvoir de contrôler la neige et la glace depuis sa naissance, et son pouvoir se déchaîne avec ses émotions. Lors d’une dispute avec Anna qui lui demande sa bénédiction pour épouser un homme qu’elle vient de rencontrer, Elsa s’emporte et déchaîne son pouvoir avant de s’enfuir, plongeant alors le pays dans un hiver éternel. Anna décide donc de la retrouver pour la ramener à Arendelle et faire revenir l’été.
Premier constat dans ce nouveau Disney, les femmes sont à l’honneur !
Contrairement à ce que j’ai pu lire çà et là, et notamment certaines critiques féministes qui voient dans ce Disney une dégradation de la femme (Elsa, femme puissante donc dangereuse, et Anna, femme normale mais manipulable à l’envi), on est justement dans un film avec un gros Girl Power.
Par ailleurs, au contraire, La Reine des Neiges porte les femmes aux nues, et écorche particulièrement l’image des hommes.
Et puis, c’est pas compliqué, en dehors d’Anna et Elsa, tous les autres personnages importants sont des hommes, et ils ne sont pas présentés n’importe comment ! Tout est occasion de présenter les hommes de manière dégradée (on est à l’inverse de ce que dit la critique féministe).
Prenons Kristof, le seul « gentil » de l’histoire. Il n’est pas prince, il se comporte comme un goujat, il mange ses crottes de nez, il crache, il est copain avec un renne avec qui il partage la nourriture, et ses amis trolls le décrivent comme « il a son odeur bien à lui » ou « il marche de travers », « il a mauvais caractère », « son cerveau à l’envers », et j’en passe. Bref, pas le prince charmant auquel on a l’habitude… En plus, à aucun moment il ne sauve la situation, chaque fois que c’est possible, c’est Anna qui règle le problème !
Concernant les autres hommes du films, ce sont tous des hommes méchants. Hans est manipulateur, le duc de Weselton est obsédé par les profits qu’il peut faire aux dépens du royaume, tout en n’ayant pas la moindre empathie pour Elsa, qu’il voit comme une dangereuse sorcière qui veut sa mort, il chargera même ses sbires de la tuer.
Mais à l’opposé, on a Anna et Elsa. Anna, c’est la jeune fille pétillante, naïve et pleine de vigueur, qui malgré un côté « à côté de la plaque » est en fait une débrouillarde, volontaire et courageuse. Quand elle est avec Kristoff, c’est à chaque fois elle qui sauve la situation. Je pourrais énumérer toutes les péripéties qu’ils vivent, à chaque fois elle doit intervenir pour que ça s’arrange. C’est même elle qui donne la clé de la résolution du film !
Elsa, c’est la jeune femme qui a du mal à vivre avec ses pouvoirs, qui est renfermée sur elle-même, toujours en proie au doute. Personnage fondamentalement bon, elle ne souhaite pas faire le mal mais le fait totalement malgré elle car elle se laisse guider par ses émotions négatives (la peur, la tristesse, la culpabilité, la colère), ça vous rappelle pas des histoires de Force dans une galaxie très lointaine ?
Et on a enfin un personnage asexué (puisqu’il s’agit d’un bonhomme de neige), mais présenté comme masculin, c’est Olaf. Et encore une fois, il est complètement débile (pas dans un mauvais sens hein), il est obsédé par la chaleur, et va même jusqu’à rester à côté du feu sans comprendre que c’est la chaleur qui le fait fondre.
Et je passerai sur Sven, le renne qui accompagne Kristoff, puisqu’il partage avec ce dernier pas mal de caractéristiques, outre le fait qu’il soit, lui aussi, un peu débile sur les bords.
Ce sont donc ces deux femmes qui tiennent le film à elles seules. Elles qui sont responsables de toute l’intrigue et de sa conclusion, les hommes sont des faire-valoir ou des méchants… On y voit toujours un film qui dégrade l’image de la femme là ?
Une des grandes forces (ou faiblesses selon ses détracteurs) du film : les chansons !
Elles sont au nombre de 8, dont une reprise, un nombre conséquent, mais pas excessivement supérieur à d’autres films.
On peut par contre reprocher une mauvaise répartition de ces dernières, puisqu’on a droit à 5 chansons sur la première moitié du film, et seulement 3 (reprise incluse) dans la seconde moitié.
Cependant, ces chansons sont agréables, efficaces et parfaitement dans l’esprit Disney ! Grosse mention spéciale à Libérée, Délivrée, chanson principale du film, interprétée en anglais par Idina Menzel (certains la connaissent pour son rôle d’Elphaba dans la comédie musicale Wicked, d’autres pour son rôle dans le film Il était une fois, ou encore son rôle de Shelby Corcoran dans Glee), et en français par Anaïs Delva, qui nous campe une Elsa à la voix plus jeune et naïve, sans doute un des meilleurs choix au niveau international tant la voix colle bien mieux au personnage que les voix, certes plus puissantes, mais aussi un peu trop matures, des actrices des différents pays.
On notera d’ailleurs que pour l’occasion, Dany Boon pousse la chansonnette et s’en sort particulièrement bien, éclipsant totalement la version de sa chanson interprétée par Emmanuel Curtil, présente sur la bande originale du film (probablement enregistrée et finalisée avant que le doublage soit terminé).
Par contre je me sens obligé de m’interroger sur pas mal de critiques que j’ai entendues ou lues ça et là… Il semblerait que les gens aient dormi pendant tout le XXe siècle et qu’ils se rendent soudainement compte qu’il y a des chansons dans les Disney… Ce qui était un point fort avant devient un point faible pour beaucoup dans La Reine des Neiges, ils disent que les chansons dans les Disney c’est nul et ridicule… Pourtant l’album We Love Disney s’est super bien vendu… Cherchez l’erreur, ou alors les détracteurs du film ont besoin de se trouver un argument ? Ou bien ils ne veulent pas faire comme tout le monde et se sentent obligés de dire qu’ils n’aiment pas le film donc trouvent la moindre petite excuse bidon pour dire que c’est mauvais ? Mouais, mes hypothèses sont peut-être exagérées mais cette critique à l’égard des chansons pue la mauvaise foi… Bon, OK elles ne sont pas super bien réparties, avec la quasi totalité des chansons en début de film, mais faut pas exagérer, c’est souvent le cas dans les Disney : prenez Le Roi Lion, qui contient 5 chansons, 3 sont au début, une au milieu et une dans le dernier tiers, ou encore La Belle et la Bête où la seule chanson à être dans la deuxième moitié est Histoire Eternelle. Ce n’est pas nouveau, ni surprenant quand même !
S’il y a bien un point sur lequel La Reine des Neiges est excellent, c’est son graphisme ! Le rendu des cheveux, des tissus, et surtout celui de la glace et de la neige sont vraiment hallucinants de réalisme !!!
Pour s’en convaincre, déjà pour les tissus, il suffit de regarder toutes les séquences où les personnages portent des robes, notamment dans la chanson Le Renouveau, où on voit Anna courir avec sa robe verte, les mouvements du tissu sont vraiment très réussis !
Au niveau de la neige, c’est là le plus impressionnant ! Heureusement, car c’est quand même l’élément que l’on voit le plus dans le film, et entre la neige sur Kristof, la neige au sol, quand ils marchent ou glissent ou tombent…. Bref, c’est toujours rendu avec un réalisme saisissant !
Et impossible de dire que c’est beau sans parler des décors. La ville d’Arendelle est une petite ville très jolie et très atypique, avec un château comme on en avait jamais vu dans les Disney. Oubliez les châteaux inspirés de nos châteaux de la Loire, là on est dans un château de type norvégien, assez anguleux, pas très grand, mais qui domine quand même le reste de la ville, et avec des toits verts. C’est original et change vraiment nos habitudes ! Le château d’Elsa est également une petite merveille !
Et parce qu’il n’y a pas que l’aspect graphique, il y a aussi l’aspect sonore, et pour ça j’avoue que quand j’ai découvert que Christophe Beck avait composé la musique, je me suis dit que ça allait forcément être bon, et je ne m’y étais pas trompé. Les musiques accompagnées d’instruments régionaux scandinaves sont de toutes beauté, avec des mélodies magnifiques. Je ne saurais vous faire une description complète, c’est quelque chose à écouter :)
La Reine des Neiges ancre assurément Disney dans un nouvel âge d’or, qu’on espère voir durer un petit moment. De plus, le film est actuellement le film d’animation ayant fait le plus d’entrées, le premier Disney à obtenir l’Oscar du Meilleur Film d’Animation, la bande originale aussi a battu des records de vente, passant plusieurs semaines au top américain des ventes d’album, et enfin, le DVD qui vient de sortir aux USA est aussi un record de commandes à sa sortie, alors qu’en France il est déjà le deuxième film le plus précommandé sur Amazon !!!
Et on comprend pourquoi, ce film renoue avec la tradition Disney tout en cassant les codes habituels, il parvient à nous offrir un film de princesses sans pour autant chercher à séduire uniquement les petites filles (par exemple, les films de princesse avant La Petite Sirène ciblent énormément les petites filles, je connais peu de garçons qui aiment Cendrillon ou La Belle au Bois Dormant !). Il nous sert des chansons et une musique superbe, un graphisme époustouflant, une histoire traitée avec modernité, le tout sans prendre les enfants pour des imbéciles.