Sous son air de film d'horreur de série B, "La résidence" va s'avéré être le film fondateur d'un nouveau genre en Espagne. Non pas qu'il soit le premier a avoir été réalisé dans le pays, mais il sera celui qui va cristalliser le genre, devenu depuis presqu'une tradition et une fierté nationale.
Dans les années 60, l'Espagne Franquiste ouvre ses portes aux tournages étrangers permettant l'émergence d'une filière cinématographique qui était jusque là confiné à des productions souvent exclusivement nationales. Les producteurs américains et surtout les italiens avec leurs westerns spaghettis et leurs films de genre vont largement profité de ce filon permettant à l'époque de réduire les coûts de tournage. Tous ces tournages vont très vite suscité des vocations en Espagne et "La résidence" en est concrètement l'exemple.
Le film fut tourné comme les productions italiennes de cette époque, sans véritable langue définie, chaque acteur jouant dans sa propre langue et le résultat sera doublé en post production selon les pays d'exploitation du film. Il ne semble pas y avoir eu de version espagnol du film à l'époque et le film était clairement destiné au marché étranger. D'où ce casting quasiment exclusivement anglais dans ses rôles principaux et une ambiance très gothique.
Largement inspiré des films de la Hammer et du cinéma de genre italien de Mario Bava, le film adaptera très librement le scénario du film allemand "Jeunes filles en uniformes" (1931) se déroulant dans un pensionnat de jeunes filles à la discipline stricte, qui engendrera des comportements déviants. Le film joue donc ouvertement la carte racoleuse du sadisme, du voyeurisme, du sexe pour mieux se vendre. Cependant Narciso Ibáñez Serrador utilise ces ingrédients avec parcimonie et n'en abuse pas. "La résidence" sera à l'époque le plus grand succès du cinéma espagnol. Un beau pied de nez à l'administration espagnole qui ne voyait dans ces films que des oeuvres secondaires sans intérêt culturel.
Longtemps dédaigné par les critiques, aujourd'hui avec l'héritage des filmographies d'Alejandro Aménabar et Guillermo Del Toro, ce film de série B est devenu une pierre angulaire de tout un pan du cinéma espagnol. Tout comme son second film "Les révoltés de l'an 2000" (1976)(également critiqué). Je n'ai vu (*en 2022) ce film, que dans une version raboutée de plusieurs masters de qualités très variables et dont visiblement des plans sont manquants... Il serait temps d'engagé une véritable restauration de ce film.