Madame rêve d’atomiseurs (…)



Madame rêve d'artifices
De formes oblongues
Et de totems qui la punissent …



C’est Maggie Gyllenhaal qui emporte tout, tornade érotique derrière sa gaucherie, sa timidité, son ignorance apparente de tout, ses robes en sacs informes, son côté petite fille un peu demeurée – et pour le moins complexe. Mais pas malsaine, pas glauque, malgré tout son arsenal de couteaux, de scalpels, de pinces, d’instruments aiguisés et pointus, conservés dans un petit coffret bien caché par la famille (et qui pourraient faire songer à l'univers de Cronenberg.)


Il y a du noir sans doute dans son goût si marqué pour la souffrance et l’automutilation, mais il y a aussi des couleurs, du pastel et du multicolore dans sa chambre d'enfant, restée sans doute à l’identique depuis sa toute petite enfance.


Son masochisme, qui lui a valu un long séjour en hôpital psychiatrique et qui n’est pas guéri pour autant, est tout aussi complexe – et c’est son évolution qui donne tout son sens au film :


• Souffrir, se faire souffrir pour oublier la souffrance qui vient de l’extérieur, tellement envahissante qu’elle en devient insupportable ; s’infliger la doubleur pour oublier la douleur ;
• Puis accepter la souffrance, quand elle viendra de l’autre, si elle est justifiée par des erreurs (les fautes d’orthographe ne sont évidemment que prétexte et les feutres rouges de nouveaux scalpels), c'est la douleur pour elle-même, plus pour oublier ;
• Puis, dans un dernier retournement, commettre volontairement les erreurs, transformer la souffrance en jeu et en partage, avec la volonté inflexible. La douleur assumée, pour ne plus subir. Le corps et le cerveau sont alors prêts pour la vie, pour faire corps et vie avec l'autre et finir par se trouver – et c’est la fin d’une éducation sentimentale réussie.


Sa transformation n’apparaît pas seulement dans son évolution vestimentaire (le spectateur était d’ailleurs averti dès les premiers instants du film, en flash forward, avec carcan, robe noire et talons aiguilles), certes sidérante. Mais tout se passe aussi dans l’évolution, à peine perceptible et pourtant tellement évidente, du regard, de la démarche, de la voix. Elle porte le film.


Quant à l'autre ? Car ils sont deux. Et on aurait aussi bien pu retenir comme titre de cette critique une proposition (déjà prise) de ce type – quand Maso rencontre Sado. Le personnage de l’homme, interprété avec aisance par James Spader, peut sembler plus "classique", plus brut, moins fouillé. En réalité il est tout aussi complexe (et truffé de complexes) : psychorigide, perfectionniste au-delà du raisonnable, soucieux de son environnement, de son corps. Maniaque. Incapable de communiquer (son bureau, très loin, tout au bout d’un couloir interminable, inaccessible). Plus que seul.


Et leur rencontre, sous le signe d’un entretien de recrutement déjà très singulier, demeure un mystère. Pourquoi l’engage-t-il, alors que rien, dans son passé professionnel, dans son allure, dans ses réponses, ne semble correspondre à ses attentes ? Tout est joué, sans doute, à ce moment-là, histoire de ressenti, de regards et tous les autres personnages, vont progressivement s’effacer, comparses de plus en plus vagues.


Secretary est un film définitivement érotique (sur fond de SM) - et définitivement romantique (sur fond de tendresse).


La conclusion peut, certes, paraître consensuelle. Elle est surtout positive – et pouvait-il en être autrement ?



Au fond des yeux de Bécassine
Deux pervenches prenaient racine …


Créée

le 10 juin 2015

Critique lue 2.2K fois

31 j'aime

pphf

Écrit par

Critique lue 2.2K fois

31

D'autres avis sur La Secrétaire

La Secrétaire
Adinaieros
10

Comédie Romantique (mais BDSM)

La Secrétaire sous son affiche provocatrice recèle un pur film de cinéma au cœur d'or. Car, oui, La Secrétaire est une comédie romantique avec toutes les étapes obligées. On a la relation amoureuse...

le 16 janv. 2011

42 j'aime

1

La Secrétaire
pphf
7

Bécassine rêve en rose et noir

Madame rêve d’atomiseurs (…) Madame rêve d'artifices De formes oblongues Et de totems qui la punissent … C’est Maggie Gyllenhaal qui emporte tout, tornade érotique derrière sa...

Par

le 10 juin 2015

31 j'aime

La Secrétaire
Marion
6

Vous reprendrez bien une petite fessée

La Secrétaire est une belle histoire d'amour sur fond de SM. Troublant et érotique, ce film tort le cou aux clichés des romances hollywoodiennes et l'on assiste à la naissance d'une grande actrice,...

le 14 août 2010

28 j'aime

Du même critique

The Lobster
pphf
4

Homard m'a tuer

Prometteur prologue en plan séquence – avec femme, montagnes, route, voiture à l’arrêt, bruine, pré avec ânes, balai d’essuie-glaces, pare-brise et arme à feu. Puis le passage au noir, un titre...

Par

le 31 oct. 2015

143 j'aime

33

M le maudit
pphf
8

Les assassins sont parmi nous*

*C’est le titre initial prévu pour M le maudit, mais rejeté (on se demande bien pourquoi) par la censure de l’époque et par quelques fidèles du sieur Goebbels. Et pourtant, rien dans le film (ni...

Par

le 12 mars 2015

115 j'aime

8

Le Loup de Wall Street
pphf
9

Martin Scorsese est énorme

Shit - sex - and fric. Le Loup de Wall Street se situe quelque part entre la vulgarité extrême et le génie ultime, on y reviendra. Scorsese franchit le pas. Il n'y avait eu, dans ses films, pas le...

Par

le 27 déc. 2013

101 j'aime

11