La bataille de la Somme est l'un des événements les plus meurtriers de la première guerre mondiale. Du 1er juillet au 18 novembre 1916, cette offensive menée par un front international contre les allemands coûte la vie à un million d'hommes. C'est un échec cuisant pour la triple-entente (et notamment pour l'empire britannique qui dirige [ou du moins domine] les opérations). Des images des premiers jours de ce conflit (contemporain à celui de Verdun) constituent The Battle of Somme, vu par 20 millions d'anglais dès l'automne.
En 1930, Heinz Paul réalise à son tour un film sur le sujet. Ce producteur et réalisateur allemand, connu pour ses reconstitutions historiques, réalisera bientôt ses films les plus retenus (Douaumont, Tannenberg, Komm zu mir zurück). Sur la forme, son Die Somme est à la croisée des chemins. C'est un des derniers représentant du cinéma muet (l'avènement du parlant est situé en 1926 avec Le chanteur du jazz) mais aussi un docu-fiction précoce, devançant le Tabou de Murnau (1932) et L'or des mers de Epstein (1931).
Die Somme associe archives et reproductions, en se centrant sur les péripéties de trois frères dont on verra la mère à l'occasion. Ce fil conducteur purement fictionnel doit alléger le travail documentaire ; c'est un prétexte et un moyen plutôt qu'une fin, le point de vue restant global et externe. Les sentiments sont là comme des agréments, cités comme des faits de second ordre, mais peut-être apaisants en marge de toutes les scènes de bataille et d'agitation dans les tranchées. La vie quotidienne des soldats prend de la place, via quelques aperçus. En plus des scènes de guerre, l'intérêt documentaire tient à ces anecdotes et immersions superficielles.
Les raisons d'actualité et le devoir ('de mémoire'?) sont honorés sans déborder, Paul orne sa mission de quelques inventions visuelles (la montre en superposition). La question du pouvoir des images et de la volonté les guidant se pose immanquablement ; il est difficile d'admettre que cette chorégraphie soit innocente. Un panneau d'ouverture indique la volonté du film de n'être « ni partisan ni épopée héroïque » : il s'agit de représenter le parcours de soldats dans ces conditions, en souvenir et hommage à ceux qui étaient impliqués sur le front. L'hommage concerne donc les ressources humaines au détriment d'une mythologie nationale ou d'une mystique guerrière. Die Somme n'entre pas dans la confrontation cependant.
S'il est bien politisé, c'est avec l'aspiration à la neutralité ; laquelle recouvre éventuellement des sympathies pacifistes. L’œuvre d'Heinz Paul est parfois étiquetée ainsi, mais ce pacifisme est à relativiser, en fonction du climat politique exceptionnel de l'époque (le cœur de la carrière de Paul se situe dans les années 1930) et des biais d'un regard post-moderne (avec ses fantasmes d'activistes anti-establishment d'avant). Le scepticisme face aux idéologies dominantes, aux pouvoirs et à la guerre n'empêche pas d'ailleurs Heinz Paul de nourrir, au-delà de Die Somme, des peintures flatteuses de l'Histoire, du mode de vie et des valeurs germaniques.
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