Critique de La Tête en l'air par Emji92
Un merveilleux film d'animation sur la vie, la mort, la vieillesse. D'une sensibilité rare.
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le 11 févr. 2021
La majorité des films d'animations que j'ai vu sont des films de grands studios, connus, markettés. J'ai cependant gardé l'esprit ouvert pour voir celui-ci, ce dessin animé espagnol sur un vieil homme qui arrive dans une maison de retraite pour des problèmes de santé, et qui y reste durant tout le film. Oui ça n'a pas l'air très attirant au premier abord, il est vrai, d'autant que le budget restreint se sent. Le style graphique, en 2d naturellement, est assez simple mais on s'y fait vite. Je n'ai sans doute pas besoin de préciser que ce film n'a pas été pensé pour un jeune public, bien qu'il ne tombe pas dans le sordide.
Cela dit, il m'a happé dès sa première scène qui réserve une première surprise. La tête en l'air se focalise sur le personnage d'Emilio, un ancien directeur de banque qui commence à dérailler. Ses enfants l'ont, jusqu'ici, gardé chez eux, mais à force leur vie en est affectée, ils ne peuvent plus s'en occuper comme il faut. Après l'introduction, la deuxième surprise : Le rythme. Car le fils d'Emilio n'a d'autre solution que de placer ce dernier en maison de retraite. Or, jugez l'arrivée :
La grille s'ouvre, la voiture entre, la grille se referme. Et ça dure 40 secondes. 40 secondes sans que rien d'autre ne se passe, rien pour attirer l'attention, tout juste quelques notes de musiques discrètes et mélancoliques. Vu les standards actuels des films d'animation c'est très long... et c'est très bien comme ça. Ça illustre ce genre de moments qu'on a tous connu, où on va dans un endroit détestable et où retarder l'inévitable de quelques minutes est déjà important, même les quelques instants où on prend le temps de se garer paraissent soudain cruciaux. Sauf qu'ici, le spectateur se doute vite qu'Emilio a peu de chance de sortir un jour de cette maison de retraite, cette grille qui se referme c'est pour de bon.
L'attente d'Emilio quand il voit à quelques mètres de lui son fils qui remplit un formulaire, pareil, on prend son temps. Tout est fait pour restituer ce moment moment difficile et pourtant qui arrive à des centaines de gens chaque jour dans le monde, qu'on ressente au plus profond ce moment où la famille se décharge de ce vieil homme, ce dernier sachant au fond de lui que la situation est irréversible. Les adieux sont vite expédiés, avec promesse de venir souvent, promesse qui, on s'en doute vite, ne sera guère tenue.
Je ne vais pas vous raconter ma vie, mais les maisons de retraite, je connais. Et ce film ne triche pas. La vie quotidienne et la routine de la maison, mais surtout les pensionnaires. Le voisin d'Emilio tout d'abord, Miguel, qu'on aime tout de suite. En fait, plus le film passe, plus Miguel prend de la place, allant même jusqu'à en quelque sorte éclipser Emilio. Il fait du bien car malgré une part de son personnage qui reste cachée un moment, amenée à évoluer, c'est le comic relief du film, il m'a fait franchement rire à plusieurs reprises.
On a aussi la petite dame qui, sans doute gardant en mémoire les restrictions dues à la guerre garde de la nourriture dans son sac pendant des lustres. Celle qui tourne en rond dans les couloirs avec une idée fixe, celle qui s'imagine être ailleurs, ou encore le vieux couple inséparable, Dolores et Modesto, pour qui j'ai écrasé une larme à un moment donné. Il y aussi les patients qui crient comme si on voulait les tuer. Ceux-là sont à « l'étage des assistés », ce sont les gens entièrement dépendants. Si la maison de retraite classique est l'équivalent de la prison, cet étage est l'équivalent du bagne, bonne chance pour en sortir un jour. Seul le personnel y fait des va et vient.
Le personnel justement, il est omniprésent, mais il n'a pas une telle importance, on ne les voit guère parler entre eux, on les voit comme les pensionnaires les voient, avec détachement. On apprend quand même à en connaître un peu certains, et leurs conditions de travail. Le personnel insuffisant, triste réalité dans la plupart de ces établissements. Néanmoins, aucun d'entre eux n'est vraiment si marquant.
Progressivement le film se fait plus angoissant voire oppressant, les vieux souvenirs d'Emilio se troublent, il radote de plus en plus, n'arrive plus à faire certains gestes. Ses amis, Miguel en particulier, l'aident autant qu'ils le peuvent, et vont même jusqu'à le couvrir auprès des infirmières, aides-soignants et médecins. Tout est fait pour que le spectateur redoute ce qui semble inévitable, ce moment où on va voir ce personnage qu'on a appris à apprécier devenir impotent et incapable de raisonner.
Ce film est un constat sur la vieillesse, je n'y vois pas de morale particulière. Lucide, triste souvent, drôle parfois, teinté d'un brin de nostalgie à l'occasion. Fichtrement bien écrit en tout cas. C'est drôle, malgré les différences évidentes, j'ai plusieurs fois fait le parralèle avec Vol au-dessus d'un nid de coucou pendant que je le voyais.
Maintenant je comprends qu'au premier abord, ce soit difficile d'avoir envie de s'y lancer pour quiconque a l'habitude des blockbusters dans la catégorie film d'animation. Mais là où les gens qui ont crée ce film ont pris un risque, le spectateur devrait prendre le risque de regarder un dessin animé très éloigné de ses standards habituels. Mais je suis conscient que rater le chef d’œuvre grinçant et anti-conformiste que sera le film sur les Minions serait une plus horrrrible perte pour la plupart des gens.
Créée
le 23 mai 2015
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