Si l’on prend La Vague pour ce qu’il est, à savoir un film assez didactique parce qu’il s’adresse au même public que ses personnages, à savoir des adolescents, on peut lui trouver bien du mérite. De la même manière que Le Cercle des Poètes Disparus saura émouvoir à un certain âge et probablement irriter plus tard, le film peut faire mouche dans la réflexion qu’il propose sur l’hystérie collective et le conditionnement.
La première partie est particulièrement réussie, lorsqu’il s’agit de poser les bases théoriques de ce qu’est l’autocratie. L’exposition démontre sans trop de lourdeurs que le milieu adolescent est une affirmation sans diplomatie du pouvoir du plus fort, dans tous les domaines : théâtre, sport, soirées, sexualité. L’ascendant du professeur, sa maitrise de la rhétorique et la pertinence de ses applications pratiques séduit autant ses élèves que le spectateur. Face au ras-le-bol d’une jeunesse allemande encombrée par un passé d’une lourdeur inégalable, l’enseignant ne se fait pas historien, mais coach du présent. Le montage, fluide et efficace, démontre bien la circulation des idées dans les différentes familles, et la fascination croissante pour ce qui semble être une solution miracle aux problèmes de jeunes souvent en mal de repères. Discipline, cohésion, solidarité sont les piliers d’une nouvelle religion qui suppose des sacrifices et des renversements de situation.
Certes, la distribution des rôles est pour le moins archétypale, de la prom queen destituée au loser devenu soldat performant, et l’ensemble prend la forme d’une dissertation dont on voit certes les coutures, mais qui n’en est pas moins efficace dans sa démonstration.
C’est dans sa volonté de s’acheminer vers une morale que le récit se prend un peu les pieds dans le tapis : déjà un peu plombé par des interludes clipesques rock et punk plutôt dispensables, le pathos l’emporte sur la réflexion théorique. Baston générales, suicide, lynchage, la démonstration s’emballe et peine à convaincre, trop rapide et radicale, caricaturale alors que les échanges en cours étaient réellement plus constructifs. Soucieux de bien montrer les dangers de tout ce qui séduisait de prime abord, le récit détruit tout, de la vie conjugale à la vie professionnelle de l’instigateur du projet, tout comme elle traumatise unilatéralement la jeunesse de façon à éviter toute ambiguïté.
Une telle lourdeur était peut-être nécessaire au vu du public ciblé. On se dit néanmoins que, reporté sur le monde des adultes et traité avec moins de pesanteur, on tenait là de quoi faire un film autrement plus subtil.