Scène de théâtre. Rideau rouge de part et d'autre de l'écran. La Vie aquatique. Amorce de la mise en abyme.
Wes Anderson nous invite à plonger aux sources du cinéma, dans sa “voie théâtrale spectaculaire” pour paraphraser Méliès. Ce dernier a réalisé Deux Cent Milles Lieux sous les mers (1907), dont La Vie aquatique semble en être le digne héritier.
La Vie aquatique, tout comme son aïeul, regorge de trucages et d'effets spéciaux propres au théâtre, corroborés à une mise en scène pleine d'imagination donnant un aspect fantaisiste à cette odyssée maritime. On est à la fois charmer et amuser par ces fonds marins plus proche de ceux d'un aquarium que de l'océan ou de ce bateau en kit, présenté comme un manuel de construction en 3 dimensions. Contribuant à cette atmosphère poétique, on retient le bestiaire aquatique et fantastique créé par ce savant fou d'Henry Selick, en témoigne les crabes-berlingots, l'hippocampe arc-en-ciel ou le légendaire « requin-jaguar » tacheté.
Justement, ce requin est la cause des malheurs de Steve Zissou, océanographe et capitaine du Belafonte. Il a dévoré son plus proche collègue lors du tournage de son dernier film, et cela mérite vengeance, « sûrement à la dynamite ».
Mais cette chasse au requin ne sera qu'un prétexte à une initiation au sentiment de paternité, ponctuée de désenchantements égotistes et de résignation sentimentale.
Afin de mener à bien cette épopée, Wes Anderson réunit un casting 5 étoiles (de mer...) pour constituer cet équipage cosmopolite et pour le moins rocambolesque qu'est la Team Zissou: à commencer par Bill Murray, portant le personnage de Steve Zissou, sorte d'antéCousteau, fumeur de oinj, amateur de glock et père malgré lui, aussi bien que le speedo.
Owen Wilson réussit à nous émouvoir en éventuel Zissou jr, recherchant par tous les moyens l'amour de son « papa », et qui ne récolte que rivalité amoureuse dans le coeur de Jane (Cate Blanchett), jeune journaliste enceinte, et compétition fraternelle avec Klaus (William Dafoe), ingénieur du bateau, « Calme, serein (ou pas), Allemand », tout en short et pompon vêtu.
Le réalisateur apporte autant de soin à ses seconds rôles: Seu Jorge en moussaillon, fan de David Bowie, plus concentré sur sa guitare que sur la sécurité du bateau ou Jeff Goldblum, en marin hype et hi-tech, entouré de son équipage pêché dans un casting d'Abercrombie and Fitch.
La mélomanie du cinéaste est illustrée par un catalogue de références en parfaite adéquation avec l'esprit juvénile ressenti tout au long de cette pérégrination, que ce soit par cette scène de fusillade volontairement maladroite, directement issue d'un fantasme adolescent sur fond du classique « I wanna be your dog » des Stooges, les préparatifs de la Team Zissou rythmés par « Gut Feeling » de Devo, ces retrouvailles mélancoliques soulignées par le « Staralfur » de Sigur Ros, et enfin, « Queen Bitch » de David Bowie pour le rappel avant la tombée du rideau.
Avec La Vie aquatique, Wes Anderson perpétue son style: une colorimétrie saturée, des travellings maitrisés et un humour pince-sans-rire omniprésent permettent de nous faire partager, dans un climat chimérique, la profondeur et le panel des sentiments humains.