Je persiste avec Wes Anderson.
A part le coup de cœur qu'a constitué pour moi "The Grand Budapest Hotel", aucun des films du réalisateur ne m'a vraiment convaincu. Objectivement très bons et bien réalisés, "La famille Tenenbaum" et "Moonrise Kingdom" m'ont fait l'effet de belles œuvres, léchées et travaillées, servies par un casting de rêve, mais elles m'ont laissé assez froid, comme si tout ce beau monde s'agitait derrière une vitre, comme si je ne pouvais les atteindre. Dans le cas de "La Vie aquatique", cette vitre serait plutôt le hublot du sous-marin de Bill Murray.
Encore une fois, je n'ai pas réussi à m'investir dans le film. La faute à qui ? A un cadre millimétré, des plans ultra-symétriques (marques de fabrique du réalisateur), des acteurs excellents oppressés par cette caméra clostrophobique qui ont juste assez de place pour incarner des personnages, pas les jouer réellement.
En fait, je me rends compte que je fais ici une critique générale du cinéma d'Anderson. Ses histoires sont des contes modernes qui jouent la carte du détachement extrême, la rupture du quatrième mur. Et c'est à travers ces procédés que le réalisateur entend amuser et émouvoir.
Sauf que c'est là que ça coince pour moi. Je m'explique.
Je n'ai pas été touché par « La vie Aquatique ». Anderson créé une galerie de personnages hauts en couleurs en soi mais totalement banals dans l'univers du film. Cette « bizarrerie banalisée », d'autres réalisateurs en font pleinement usage, et je peux difficilement m'empêcher de penser ici à Terry Gilliam. Sauf que dans le cas d'Anderson, cette banalisation du loufoque se combine à une froideur, à un humour pince sans rire, qui empêchent de ressentir un réel décalage. Tout semble sans conséquences, tout est figé.
Malgré la présence de certains personnages véritablement bien écrits (ceux joués par Willem Dafoe, Anjelica Huston et Jeff Goldblum, notamment), j'ai eu du mal à m'attacher au reste du casting. Pourtant, sur le papier, le médiocre réalisateur de documentaires océanographiques incarné par Bill Murray, son fils supposé en manque de figure paternelle (Owen Wilson), la reporter froide en mal d'aventures (Cate Blanchett), avaient tout pour faire de bons personnages.
Donc voilà pour ce qui est de ce film vu « derrière le hublot ».
Il est cependant indéniable que Wes Anderson est assez talentueux et amoureux de son art pour fournir un bien beau travail.
Les ambiances et le décors sont soignés, plongeant le spectateur dans une réelle expérience surréaliste dans laquelle on ne s'ennuie quasiment pas.
Certaines blagues font mouche, certaines situations sont réellement cocasse, le point d'orgue du film résidant dans une scène (étrangement dynamique et violente pour du Anderson) où un Bill Muray enragé ouvre le feu sur des pirates au son de « Search and Destroy » des Stooges. De plus, on peut reconnaître que le postulat de base est complètement allumé (On parle quand même d'un réalisateur de documentaires qui monte une équipe pour aller se venger d'un requin mythique qui a bouffé son vieux copain tout en s'interrogeant sur la paternité.)
Ce qui me frustre avec Wes Anderson, c'est que j'ai souvent l'impression d'avoir visionné un film juste « sympa » alors que mon instinct me dit qu'il y avait vraiment quelque chose de plus grand et de plus beau derrière tout ça.
Si seulement je pouvais briser ce hublot pour enfin me noyer dans son univers...
5,75/10