Minnelli et la MGM qui s’attaquent à Van Gogh, c’est la promesse d’une rencontre assez incongrue : quand l’usine à rêve et sa force de frappe traite d’un génie maudit et incompris vivant comme un marginal, le grand écart est facial.
On peut ainsi s’amuser de voir tous les ingrédients du classicisme hollywoodien à l’œuvre : un casting de stars (Kirk Douglas, mais aussi Anthony Quinn en Gauguin), une reconstitution dispendieuse, et un travail d’écriture qui cherche avant tout à expliciter les enjeux tout en simplifiant le trait. Cette vie passionnée est ainsi très verbeuse, s’attachant à portraiturer une sorte de Christ, particulièrement dans les premières séquences dévolues à la carrière avorté de pasteur de Vincent, trop dévoué aux pauvres pour pouvoir supporter l’hypocrisie des hommes d’église. Le Saint se tournera ensuite vers la création pour parler au plus grand nombre, en dépit de l’échec et de l’anonymat, son rapport aux autres se soldant par une suite d’échecs cinglants, en amour ou en amitié.


Alors que Minnelli a eu la possibilité de photographier un nombre considérable de toiles, qui ponctuent régulièrement le parcours du peintre, le récit ne peut s’empêcher de formuler et de transcrire par les dialogues, que ce soit les intentions humanistes de l’écorché vif, de sa difficulté à vivre expliquée à Théo ou les principes esthétiques qu’il applique lors de ses débats avec Gauguin. L’interprétation très incarnée des deux comédiens, qui veulent bien faire comprendre à quel point l’un est torturé et l’autre violent frôle plusieurs fois la surenchère, d’autant que la musique, assez insupportable, vient constamment surligner les émotions distillées par les scènes. La fameuse scène, très attendue, d’automutilation de Van Gogh est un sommet du genre, différant le geste par une montée poussive de violons assez insupportable.


On pourrait donc sans difficulté jouer la carte du snob et aller recommander l’approche radicalement opposée d’un Pialat, qui joue des silences, du rapport humain et laisse à la peinture le soin de signifier. Mais ce serait oublier un point commun assez salutaire aux deux démarches, qui consistent à faire un film lui-même pictural. La photographie assez incroyable mobilisa deux chef opérateurs, dont le très talentueux Freddie Young, fidèle de David Lean pour lequel il créera les palettes aussi riches que Lawrence d’Arabie, Le Docteur Jivago ou La Fille de Ryan. L’idée est simple, le défi de taille : retrouver les lieux investis par Van Gogh et les reproduire en décor à taille réelle avant qu’ils soient figés pour l’éternité sur les toiles du futur génie. Un café, un champ, une église, des jardins fleurs ou même des portraits (dont celui du Docteur Gachet, par exemple) sont ainsi offerts au regard, singulier travail de reconstitution à partir d’un tableau, mais présentés comme étant sa source. Rien que pour cette démarche, le film tient une place tout à fait passionnante dans les nombreux liens que le cinéma tisse avec son illustre ancêtre.

Sergent_Pepper
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le 13 janv. 2021

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