Avec son titre plutôt léger et amusant, La Vie Sexuelle de Mamie pourrait être une comédie franchouillarde avec Chantal Ladesou ou pour un public plus restreint un porno gériatrique racontant les folle nuit d'un Epadh. Avec son graphisme très enfantin La Vie Sexuelle de Mamie pourrait également être un film d'animation léger et rigolo sur les histoires olé olé de papy conjuguant allégrement le verbe copuler à tous les temps du passé. Au final La Vie Sexuelle de Mamie est un court métrage bien plus riche et qui m'a un peu retourné comme une crêpe (ça tombe bien c'est la saison pour peu que vous lisiez cette critique au bon moment) suffisamment en tout cas pour en faire une critique (ce qui m'arrive rarement pour un court métrage).
Basé sur une série de témoignages La Vie Sexuelle de Mamie raconte le quotidien de femmes slovènes lors de la première moitié du 20éme siècle. Des histoires intimes qui vont venir dessiner la bien morne existence de femmes soumises à divers doctrines patriarcale, religieuses et sociales …
La Vie Sexuelle de Mamie est un court métrage d'animation avec un style graphique très particulier puisque les dessins confondants de naïveté ressemblent à des dessins d'enfants avec des personnages aux formes géométriques simples, des proportions toutes relatives, des maisons sommaires, des voitures stylisées en deux trois rectangles et des grands aplats parfois sommairement coloriés aux crayons de couleurs. Forcément ce qui est percutant c'est cette simplicité enfantine du dessin qui vient violemment contraster avec ce que le film nous raconte. Même si la narration est celle d'une jeune fille qui parle de sa mère puis d'elle même comme dans un éternel cycle de recommencement, le discours en filigrane est bien moins enjoué que le trait alerte et innocent du dessin. La Vie Sexuelle de Mamie combine des allégories visuelles et poétiques comme cette femme tellement cloisonnée et prisonnière de son foyer qu'elle semble en repousser les murs par son gigantisme besoin d'exister avec des témoignages plus directs et abrupt venant éclairé d'un jour nouveau (ou si peu) la vie des femmes slovènes mais plus globalement des femmes tout courts au début du siècle et même encore trop souvent aujourd'hui. Contraintes au retrait jusqu'à l'invisibilité, cantonnées aux tâches ménagères, enfermées dans les convenances de leurs foyers, incitées par des préceptes religieux à pondre des gosses sans contraception ni désirs maternelles particuliers, soumises aux désirs et aux plaisirs sexuels des hommes sans pouvoir revendiquer le leur, perdues entre alcool et violence conjugales La Vie Sexuelle de Mamie ce n'est pas exactement la sérénade de la vie en rose.
Parfois assez cru dans sa représentation du sexe le court métrage de de Urška Djukić et Émilie Pigeard pousse parfois sa symbolique jusqu'au malaise lorsque toute une armée de soldats le braquemart en avant pénètrent le vagin d'une femme illustrant un dicton populaire qui dit que pour avoir la paix il convient juste d'écarter les cuisses. La Vie Sexuelle de Mamie oscille comme ça constamment entre une apparente légèreté et une forme de profonde et légitime revendication sur le triste sort des femmes. Et puis pour conclure le court métrage se termine sur des photographies anciennes de femmes slovènes (du moins je l'imagine), ce qui d'un coup donnent un visage et une personnalisation bien plus forte aux souffrances énumérées en amont. Juste des images d'une fascinante beauté, des regards un peu perdus, des visages dignes en dépit des souffrances, des figures anonymes suspendues dans l'éternité et dans un silence qui fait mal. Et là tout d'un coup l'émotion vous prend à la gorge presque en traître sans vraiment que vous puissiez le deviner avant et La Vie Sexuelle de Mamie impose le respect, celui des femmes qui souffrent depuis hier jusqu'à aujourd'hui et encore pour demain de vieux préceptes sociaux, moraux, religieux et politiques qui finissent par s'insinuer comme de sordides habitudes.
La Vie Sexuelle de Mamie est un grand petit film que je ne connaissais pas du tout malgré son César 2023 du meilleur court métrage et ses vingt prix reçus dans plus de 80 festivals internationaux, preuve s'il en fallait une que Slovènes ou pas l'histoire des femmes est souvent partout la même et touche à l'univers elles ..