En un quart d’heure, Georges Lacombe convie son spectateur à partager le quotidien d’hommes, femmes et enfants « zonards », soit habitants de la Zone, vaste bande de terre interdite de constructions en dur faisant le contour de Paris et dans laquelle s’installèrent les milieux les plus défavorisés, à commencer par le milieu ouvrier. Le film propose une déambulation dans ces espaces à la fois sauvages et industriels, parmi des corps pliés ou engagés dans la répétition de mouvements machinaux ; la caméra adopte un point de vue quasi documentaire, ce qui ne l’empêche pas d’atteindre une certaine poésie de la douleur sans dolorisme excessif. En ce sens, le court métrage de Lacombe, réalisé en 1928, annonce les grandes pages de Voyage au Bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline, ou encore la descente dans le camp des Gitanes effectuée par le narrateur de L’Homme foudroyé au début des Rhapsodies gitanes. Quelques surimpressions situent le film à la croisée du réalisme et du poétique, comme ces chats endormis se réveillant soudain pour lécher le lait versé dans une assiette.
La Zone. Au pays des chiffonniers est un grand court métrage dont le sous-titre laisse entendre l’ambition de composer un conte noir, de présenter la Zone comme une réalité surréelle ; une oeuvre à la fois expérience sensorielle et document précieux sur une époque trop méconnue aujourd’hui.