Laisse tes Mains sur mes hanches reste à ce jour le seul passage derrière la caméra de l’actrice Chantal Lauby, et c’est bien dommage. Car son premier long métrage atteste une vitalité qui jamais ne s’essouffle, aidée par un casting bien choisi et savoureux, mention spéciale à Rossy de Palma. La mise en abyme théâtrale permet d’emblée à Lauby de se peindre sous les traits d’une actrice, dimension métadiscursive que prolongent d’ailleurs son nom et les allusions empruntés à La Cité de la peur : or, l’illusion théâtrale protatique tend à s’élargir, la vie sentimentale d’Odile devenant à son tour une vaste scène sur laquelle s’activent des types de personnages conscients d’être des caricatures, du forain ténébreux au meilleur ami gay. Du théâtre à la fête foraine, c’est un désarroi amoureux qui se concrétise, la scène de conflit tant répétée avec insulte et gifle mutant en tranche de vie tant espérée puisqu’elle indiquerait une vie conjugale.
La réalisatrice investit le drame sentimental par le biais de son humour, un humour tout droit sorti des Nuls, si bien que l’ensemble est à la fois désopilant et touchant ; elle réussit à raccorder les petites choses et les petites gens à leur potentiel féerique premier, à l’instar de cette séquence magnifique au cours de laquelle Odile tient compagnie à sa concierge et siffle sa liqueur de prune pendant que Myriam se lamente, affalée sur le canapé. La mise en scène propose de nombreux choix intéressants : le travelling incarne à l’écran la naissance ou la mort d’un espoir de rencontre amoureuse, la composition du cadre privilégie l’intervention incongrue d’un objet du quotidien pour annoncer une séparation à venir, comme ce robinet qui coupe symétriquement le plan de repas (purée poulet) pour créer deux volets enfermant chacun mère et fille.
Armé d’un humour original et audacieux, Laisse tes Mains sur mes hanches constitue une très bonne surprise et revisite avec modestie la comédie sentimentale sous la forme d’un conte. De quoi se laisser séduire.