Celui qui se transforme en bête se délivre de la douleur d'être un homme
"Las Vegas Parano" est le voyage mystique à la fois comique et horrible à Las Vegas du journaliste Raoul Duke et de son avocat, Dr Gonzo. Partis couvrir une course de moto les deux protagonistes ont apporté avec eux une valise pleine de drogues qu'ils comptent bien consommer avant de rentrer.
Le film s'attache à évoquer les années 70 aux Etats-Unis, époque où le rêve américain s'évaporait peu à peu pour laisser place à un cynisme sur une vie sans avenir.
Cette oeuvre est plus qu'une histoire du journalisme gonzo et de l'utilisation de drogues, c'est une expérience, un trip comme les personnages expérimentent tout au long du film.
Terry Gilliam s'attache à retranscrire les délires des personnages s'essayant à tout type de drogues, leurs hallucinations, leur paranoïa. On peut alors reprocher au film un manque d'intérêt et une accumulation de délires visuelles sans queue ni tête laissant le spectateur en dehors de tout histoire construite. En effet le reportage n'est que prétexte à placer les personnages dans la ville du vice avec une valise de drogues à essayer. Mais c'est justement dans les hallucinations et non dans l'histoire que repose l'intérêt du film.
Après une première partie un peu longue, on plonge dans ce monde chimique que Gilliam retranscrit avec génie à l'écran. Cette retranscription est d'autant plus réussie que les acteurs y sont tout simplement géniaux et jouent parfaitement leur rôle, Johnny Depp en pleine paranoïa est tout simplement un des rôles les plus réussi de l'acteur déjà talentueux. Benicio Del Toro n'est pas en reste dans son rôle d'avocat déjanté. De vrais performances.
Plus loin que l'expérience on peut voir dans le film une vive critique des Etats-Unis à l'époque: les médias sont concentrés sur une guerre du Vietnam dévastatrice pour l'Amérique et son système de pensée, les images de violence sont omniprésentes sur les téléviseurs des chambres d'hôtels dans le film, une violence qui peine l'Amérique mais la laisse aussi indifférente comme le sont les personnages principaux face à ces événements. Les jeunes américains voient l'avenir comme incertains voir inexistant, le rêve américain est bien loin et cette jeunesse sans avenir se plonge dans des délires chimiques, préfabriqués. Une Amérique qui se cache, qui dissout ses peurs dans la culture du vice, s'échappe dans la culture du mensonge. Le faux dans la ville du faux qu'est Las Vegas.
Loin de toute analyse du propos du film, "Las Vegas Parano" doit être vécu comme une expérience, un délire, une fuite de la réalité.