La vie, c'est comme la pâte à tarte, elle est brisée.
Avec Last Days of Summer, Jason Reitman change de registre, s’éloigne de ses comédies cyniques, et s’essaye au mélodrame. Malheureusement, n’est pas Clint Eastwood qui veut. Ce long métrage souffre d’un académisme alourdissant tous les pores d’une œuvre trop convenue pour s’embellir avec le temps. Pas que la mise en scène soit mauvaise, au contraire, Last Days of summer arbore un visuel assez tenu et cotonneux, avec son atmosphère presque douce et aérienne mais le récit parait bien maigre, jouant la carte d’une bonté factice essayant tant bien que mal d’insérer une empathie peu fortuite. Un homme s’étant évadé de prison, va alors séquestrer une jeune femme et son fils chez eux. Mais l’homme va se montrer compatissant avec ses otages et une intimité familiale va voir le jour, comme pour combler un manque. Dès le début, on connait déjà l’histoire. Cette histoire de deux personnes, qui ne veulent qu’une chose : revoir l’amour ressurgir dans leur cœur.
Ça part plutôt bien, Reitman étant dans la retenue, ne pose pas de regard moralisateur sur ses protagonistes (au début). Sa mise en scène aime scruter les mouvements des corps, un langage corporel traduisant une certaine mélancolie donnant vie à quelques belles séquences (faire une tarte, danse). Pourtant, il n’arrive pas à mettre de la vie dans sa narration, ni de second souffle avec une histoire d’amour, un trio affectif qui va en ligne droite, trop précipité, une accumulation de passages obligés (la sempiternelle scène de baseball) sur des thématiques déjà vues et revues par ce cinéma américain: la solitude, la rédemption, une deuxième chance à travers le couple, la relation père/fils de substitution. On connait déjà tout ça.
Malgré la finesse des interprétations de ce trio d'acteurs, le problème d’écriture qui effleure mal son sujet, déclenche ses intentions bien trop rapidement sans immiscer une once de doute ou d’ambiguïté (notamment dans le regard du personnage de Kate Winslet), fait qu’il est difficile d’y voir quelque chose d’émotionnelle, de viscéralement émouvant dans cette relation naissante entre une femme brisée par la vie et un homme, pas un mauvais bougre, qui voit en elle une opportunité pour regouter aux joies de l’amour. Reitman porte un regard terre à terre et peu enclin à l'intime. Ca s’emboite comme papa dans maman. L’affaire est faite.
Mais cet amour, cette vision du couple parait bien matérielle, routinière, trop casanière dans son avancée : il a des grosses mains et des muscles saillants, elle a de belles hanches. Homme fort, femme fragile. Jason Reitman loupe le coche dans la construction d’un récit qui manque de passion et de part d’ombre. Les fantômes de Clint Eastwood (Sur la route de Madison, Un monde parfait) est bien lourd à porter pour les frêles épaules du réalisateur américain. Prenant Un monde parfait comme exemple flagrant de la différence de traitement avec ce Last Days of Summer.
Eastwood parlait de cette deuxième chance sans arrondir les angles en ne cachant pas cette violence humaine véritable. Reitman quand à lui, parait plus restreint dans sa vision des choses, bienpensant dans son jugement, s’évertuant à obliger le spectateur à rentrer en empathie avec ses personnages, les montrer sous un bon jour, enjoliver le contexte (flash-back navrant), ne se questionne pas sur l’ambivalence des sentiments, comme pour nous montrer qu’ils ont droit de gouter au bonheur, ils sont des gens biens malgré les apparences. Ce à quoi, Last Days of Summer se voit alors plonger dans une mélasse d’intentions moralisatrices qui estompent le peu de beauté du film.